Dans ce chapitre sont présentés, par matière, les arrêts les plus importants rendus par la Cour en 2021.
Une distinction est opérée entre, d'une part, les arrêts dits « clés » et, d'autre part, les autres arrêts importants. Les premiers concernent des arrêts qui présentent un intérêt particulier pour le développement de la jurisprudence ou pour l'interprétation de dispositions législatives déterminées, ou encore qui sont particulièrement relevants d'un point de vue social ou sociétal. Ils font ainsi l'objet d'un exposé plus approfondi, et sont placés dans une perspective doctrinale et jurisprudentielle. Les autres arrêts importants sont exposés plus succinctement, en se limitant à la règle que la Cour a formulée dans chaque arrêt.
Dans la version électronique du présent rapport, accessible notamment sur le site de la Cour et Stradalex, le texte intégral des arrêts résumés ci-après est accessible par le biais d’un lien hypertexte contenu dans le numéro de rôle de chaque arrêt renvoyant à Juportal, ou via un lien hypertexte mentionné en dessous de chaque arrêt résumé renvoyant à la base de données ECLI.
La Cour de cassation est, dans les résumés qui suivent, aussi identifiée par « la Cour », au moyen d’une lettre « C » majuscule. La référence à une cour d’appel ou du travail se distingue par un « c » minuscule.
Les textes figurant dans ce chapitre ne constituent pas une interprétation authentique des arrêts qu’ils résument et ne lient pas la Cour.
Arrêt du 22 janvier 2021 (C.20.0143.N) et les conclusions du premier avocat général R. Mortier
Cette affaire concerne la protection d'un créancier hypothécaire qui, après constitution de son hypothèque, se voit confronté à l'annulation du contrat de vente par lequel le débiteur a acquis un droit de propriété sur un bien immobilier.
Les faits sont les suivants.
En 1989, les parties A, d'une part, et B et C, d'autre part, ont acquis un bien immobilier, chacune pour la moitié. En 2007, A et B ont cédé, contre paiement, leur part dans le bien immobilier à C. Ensuite, D a accordé une ouverture de crédit à C pour l'achat d'un autre bien immobilier, ce qui a entraîné la constitution d'une hypothèque en second rang sur le premier bien immobilier au profit de D (le bien était déjà en effet grevé d'une hypothèque en premier rang). Cette hypothèque fut transcrite peu après dans les registres du Conservateur des hypothèques.
En 2009, E a été désigné comme administrateur des biens de A. En 2010, E a introduit devant le tribunal de première instance de Bruxelles, contre B et C, ainsi que contre le notaire intervenant, une demande visant l'annulation du contrat de 2007.
Le tribunal de première instance a déclaré le contrat nul pour absence de consentement valable de A.
C et le notaire intervenant ont interjeté appel de ce jugement, ce qui a conduit à la première intervention de D dans la procédure. D a demandé que, si la nullité devait être établie, elle ne soit prononcée qu'ex nunc, de sorte que D puisse se prévaloir de son inscription hypothécaire envers A et E. La cour d'appel de Bruxelles a confirmé le jugement du premier juge et rejeté la demande de D comme étant non fondée./p>
Par un arrêt du 28 septembre 2017, la Cour a cassé cet arrêt, mais uniquement dans la mesure où il statuait sur la demande de D visant à ce que la nullité du contrat ne soit prononcée qu'ex nunc.
Le juge d'appel de renvoi a, lui aussi, rejeté comme non fondée la demande de D. visant à ce que la nullité du contrat ne soit prononcée qu'ex nunc. Le juge d'appel a considéré que l'annulation d'un contrat ex tunc produit un effet rétroactif jusqu'à la date de la conclusion du contrat et que l'hypothèque constituée ultérieurement au profit de D a disparu à la suite de cette annulation, dès lors que le droit de propriété de C est réputé n'avoir jamais existé. Il a ajouté que le fait que le droit de propriété de C n'ait pas été contesté au moment de l'inscription hypothécaire, de sorte que D pouvait légitimement croire qu'il avait constitué une sûreté stable, n'y change rien. Le juge d'appel a ainsi refusé d'appliquer la doctrine de la confiance légitime.
En cassation, D fait valoir que, bien que l'annulation ait un effet ex tunc, elle ne peut, contrairement à ce que soutient la cour d'appel, porter atteinte aux droits hypothécaires du créancier hypothécaire de bonne foi qui, au moment de l'inscription hypothécaire, pouvait légitimement croire que le bien grevé faisait partie du patrimoine de son débiteur, dès lors qu'il n'avait pas ou n'aurait pas dû avoir, à l'époque, connaissance de la nullité dont le contrat de vente était entaché.
Dans son arrêt du 22 janvier 2021, la Cour casse cet arrêt, sur les conclusions conformes du premier avocat général. La Cour considère que, si le titre de celui qui a conféré l'hypothèque s'éteint avec effet rétroactif, l'hypothèque s'éteint par conséquent aussi, « sous réserve de la protection de tiers qui ont acquis, de bonne foi et à titre onéreux, des droits réels limités, de sorte que l'extinction du titre n'affecte pas les droits hypothécaires du tiers qui a acquis ses droits de la personne dont le titre avait été transcrit et qui pouvait légitimement croire avoir traité avec le véritable ayant droit ».
L'annulation d'un contrat a des conséquences juridiques importantes, non seulement pour les parties contractantes, mais aussi pour les tiers ayant des droits concurrents : si l'on s'en tient à une lecture littérale de l'article 74 de la loi hypothécaire — en vertu duquel ceux qui ont sur l'immeuble un droit suspendu par une condition ou résoluble dans certains cas, ou sujet à rescision, ne peuvent consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes conditions ou à la même rescision —, l'hypothèque constituée sur un bien immobilier s'éteint si l'achat est annulé par la suite. En résumé, le créancier hypothécaire doit supporter les conséquences préjudiciables de cette annulation. L'article 74 de la loi hypothécaire semble ainsi traduire la règle nemo plus iuris[1] et l'effet prétendument négatif des registres des hypothèques. Or, ces registres visent seulement à garantir qu'un contrat qui n'est pas publié — alors qu'il aurait dû l'être — ne soit pas opposable ou n'existe pas ; aucune garantie n'est fournie quant à la validité en droit de ce qui est publié[2].
La doctrine faisant autorité s'oppose à une telle approche négative des registres belges des hypothèques en ce qui concerne la présente arborescence de faits. Si un débiteur hypothécaire n'a qu'un droit de propriété conditionnel parce qu'il a acquis le bien sous une condition suspensive ou résolutoire, il est évident qu'en vertu de l'article 74 de la loi hypothécaire, l'hypothèque est soumise à la même condition, puisque le créancier hypothécaire sera alors normalement conscient du risque auquel il a consenti l'hypothèque. Il en va différemment lorsque le droit de propriété du débiteur hypothécaire est parfaitement valable au moment de la constitution de l'hypothèque, puis déclaré nul ex tunc, car, dans ce cas de figure, il est porté atteinte aux attentes légitimes du créancier hypothécaire qui, au moment de la constitution de l'hypothèque, n'avait pas ou n'aurait pas dû avoir connaissance de la cause de nullité[3].
Bien que la législation française comporte une disposition similaire à l'article 74 de la loi hypothécaire, la Cour de cassation de France honore, en pareil cas, les attentes légitimes des créanciers hypothécaires à l'égard des registres des hypothèques, en se fondant sur la théorie de la propriété fictive, ce qui constitue une atténuation significative de l'effet négatif des registres des hypothèques : « Les tiers de bonne foi qui agissent de l'erreur commune ne tiennent leur droit ni du propriétaire apparent, ni du propriétaire véritable ; ils sont investis par l'effet de la loi. La nullité du titre du propriétaire apparent, serait-elle d'ordre public, s'agissant d'une donation déguisée au profit d'un enfant adultérin, est sans influence sur la validité des aliénations ou constitutions d'hypothèques par lui consenties, dès lors que la cause de la nullité est demeurée et devait nécessairement être ignorée de tous[4] ».
Par son arrêt, la Cour satisfait à ce plaidoyer : la règle de l'article 74 de la loi hypothécaire (et la règle de l'effet négatif des registres belges des hypothèques qui y est traduite) ne porte pas atteinte aux droits des tiers qui ont acquis, de bonne foi et à titre onéreux, des droits réels limités. L'extinction du titre de cession du débiteur hypothécaire, lorsque ce titre a été transcrit aux registres des hypothèques, n'affecte pas les droits du créancier hypothécaire qui pouvait légitimement croire avoir traité avec le véritable propriétaire.
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210122.1N.29
[1] B. VERHEIJE, « Recente ontwikkelingen inzake onroerende publiciteit », V. SAGAERT (éd.), Themis vastgoedrecht, Bruges, La Charte, 2020, pp. 174-176 ; V. SAGAERT, « Het rechtmatig vertrouwen van de schuldeisers in de hypothecaire registers », Liber amicorum A. Cuypers, Bruxelles, Larcier, 2009, p. 220.
Arrêt du 11 mars 2021 (C.18.0552.F) et les conclusions de l'avocat général Th. Werquin
La banque Belfius (ci-après « la banque ») a consenti à une société anonyme (ci-après « la S.A. ») un crédit d'investissement de 610.000 euros.
La S.A. a souhaité rembourser anticipativement ce crédit. La banque a accepté moyennant le paiement d'une indemnité de plus de 97.000 euros, alors que la S.A. estimait que l'indemnité devait être plafonnée à six mois d'intérêts, conformément à l'article 1907bis de l'ancien Code civil. Celui-ci prévoit que, lors du remboursement total ou partiel d'un prêt à intérêt, il ne peut en aucun cas être réclamé au débiteur une indemnité de remploi d'un montant supérieur à six mois d'intérêts, calculés sur la somme remboursée au taux fixé par la convention.
Les deux parties ne s'accordant pas sur la qualification du contrat — la banque considérant pour sa part qu'il s'agissait d'une ouverture de crédit, à laquelle la limitation de l'article 1907bis n'est pas applicable —, elles ont porté leur différend devant les tribunaux.
Suivant l'arrêt attaqué de la cour d'appel de Bruxelles du 25 janvier 2018, la liberté de prélèvement des fonds est un critère déterminant pour distinguer le prêt de l'ouverture de crédit : « dans le cadre d'une ouverture de crédit, le crédité dispose d'une complète liberté d'usage des fonds [qu'] il peut prélever ou non », alors que « cette liberté n'existe pas dans le cadre d'un prêt ». La cour d'appel a décidé que le contrat litigieux s'analysait en un contrat de prêt, en considérant que la liberté de prélèvement n'existait pas dans la convention litigieuse, dès lors que « la faculté de prélèvement sur une période de neuf mois prévue par le contrat était, dès sa signature, purement théorique », les fonds étant destinés à l'acquisition de la totalité des parts d'une société, mis à disposition sur production de la convention de cession et « liquidés par remise d'un chèque à l'ordre du cédant », et qu'ainsi « les dispositions de la convention [témoignaient] de la volonté des parties de voir tout le montant du crédit remis au crédité », « la volonté commune des parties [...] que les fonds soient entièrement et rapidement utilisés [étant] confirmée par l'exécution du contrat ».
L'arrêt commenté rejette le pourvoi formé par la banque contre cet arrêt. Après avoir rappelé la définition du prêt au sens de l'article 1892 de l'ancien Code civil, la Cour précise que le caractère réel du contrat de prêt ne fait pas obstacle à ce que les parties s'engagent préalablement par une promesse réciproque à livrer la chose et à l'accepter, laquelle se dénoue en un prêt par la remise de la chose, mais qu'en revanche, le prêt se distingue du contrat d'ouverture de crédit, par lequel le créditeur s'engage à mettre à disposition du crédité ses fonds ou son crédit personnel tandis que ce dernier a le droit, mais non l'obligation, de prélever les fonds ou de faire appel à ce crédit.
La Cour décide qu'il suit des énonciations de l'arrêt attaqué (reproduites ci-dessus) « que, aux yeux de la cour d'appel, la société avait l'obligation de prélever les fonds mis à sa disposition », de sorte que « l'arrêt a pu, sans violer l'article 1892 précité, décider que "le contrat litigieux s'analyse dès lors eu un contrat de prêt" », et que l'arrêt donne à la convention, dans l'interprétation qu'il a retenue, les effets qu'elle a légalement entre parties. Elle rejette enfin le grief pris de la violation de l'article 1907bis de l'ancien Code civil, celle-ci étant toute entière déduite de la violation vainement alléguée de l'article 1892 précité.
Par cet arrêt, la Cour prend position dans une matière controversée. La qualification d'une opération de financement en un contrat de prêt ou un contrat d'ouverture de crédit et, partant, l'application de l'article 1907bis a, en effet, fait couler beaucoup d'encre.
En droit belge, en dépit de critiques doctrinales de plus en plus nombreuses[5], le prêt demeure traditionnellement analysé comme un contrat réel. Toutefois, selon la doctrine majoritaire[6], le prêt est nécessairement précédé d'une promesse de prêt, c'est-à-dire un accord de volonté sur les conditions de ce prêt. Aussi longtemps qu'il n'y a pas remise de la chose, il y a une convention synallagmatique, consensuelle, de prêt à laquelle le contrat de prêt se substituera par la remise de la chose.
Le contrat d'ouverture de crédit, en revanche, s'analyse, aux termes d'un arrêt de la Cour de cassation du 27 avril 2020 que l'arrêt commenté reproduit, comme une convention consensuelle et synallagmatique par laquelle le dispensateur de crédit met à la disposition du crédité, temporairement et jusqu'à concurrence d'un montant déterminé, ou bien de l'argent, ou bien sa solvabilité ; le crédité peut utiliser le crédit par un ou plusieurs prélèvements ; le crédité n'est pas obligé de faire usage du crédit[7].
Dans un arrêt du 18 juin 2020[8], la Cour rappelle par ailleurs qu'un prélèvement d'argent effectué par le crédité en vertu d'une ouverture de crédit ne fait pas naître un prêt d'argent au sens des articles 1892 et 1905 de l'ancien Code civil. Elle confirme ainsi que l'ouverture de crédit, au sens ci-avant précisé, ne peut pas s'analyser en une promesse de prêt suivie d'un prêt qui se forme lorsque les fonds sont reçus par le crédité. C'est en vertu du contrat primitif et non d'une convention nouvelle que le crédité reçoit les fonds et est obligé de les rembourser[9].
L'application de l'article 1907bis précité à un crédit suppose de vérifier si la convention entre les parties s'analyse en un prêt ou une ouverture de crédit.
Une large doctrine et une jurisprudence majoritaire considèrent que seul le critère fondé sur la liberté de prélever les fonds est de nature à caractériser l'ouverture de crédit par opposition au prêt à intérêt[10].
C'est à cette position que se rallie, en des termes clairs, l'arrêt commenté, qui écarte par ailleurs le critère de distinction fondé sur caractère réel du prêt.
Dans un arrêt du 14 juin 2021 C.21.0025.N, la Cour a confirmé cette position[11].
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210311.1F.8
[5]H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, t. II, n° 455 et s. ; L. SIMONT et P. A. FORIERS, « Examen de jurisprudence - Les contrats spéciaux », R.C.J.B., 2001, p. 474, n° 241 ; B. DU LAING, (Geld)lening en krediet(opening), Die Keure, 2005, pp.31 et s. (partisan de la qualification consensuelle du prêt).
Arrêt du 1er octobre 2021 (C.20.0414.F) et les conclusions de l'avocat général Th. Werquin
Un citoyen belge germanophone a été interné dans l'établissement de défense sociale de Paifve, situé dans la région de langue française en Belgique. Le personnel de l'établissement ne maîtrisant pas la langue allemande, cet établissement s'est avéré incapable de lui fournir les soins que son état requérait.
À plusieurs reprises, il a sollicité sa remise en liberté, en faisant notamment valoir que l'absence de soins dispensés dans sa langue maternelle rendait sa détention illégale. Ces demandes ont été rejetées. Dans ce cadre, la Cour a été saisie à deux reprises de pourvois formés contre des décisions de la commission supérieure de défense sociale[12].
Le 3 mars 2011, il a déposé devant la Cour européenne des droits de l'homme une requête dénonçant la violation par l'état belge des articles 3 et 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Le demandeur soutenait que l'absence de soins prodigués dans sa langue, qui l'amenait à rester interné sans perspective de guérison et dès lors de sortie, outre qu'elle constituait un traitement inhumain et dégradant (violation de l'article 3), rendait sa détention irrégulière (violation de l'article 5).
Par un premier arrêt, du 18 juillet 2017, une chambre de la deuxième section de la Cour européenne des droits de l'homme dit qu'il y a eu violation de l'article 3 de la convention mais qu'il n'y a pas eu violation de l'article 5, § 1er. Elle octroie au demandeur une satisfaction équitable largement inférieure à ce qu'il demandait, soit 5 000 euros pour dommage moral, à majorer d'intérêts.
L'affaire a été renvoyée devant la grande chambre, qui a statué par un arrêt du 31 janvier 2019. Cet arrêt dit que, depuis début 2004 jusqu'en août 2017, il y a eu violation des articles 3 et 5 de la Convention. Il dit également que l'état belge doit verser au demandeur 32 500 euros pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, à majorer d'intérêts à compter de l'expiration du délai de trois mois fixé pour le paiement. Il rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Le demandeur, en parallèle au dépôt de sa requête devant la Cour européenne des droits de l'homme, a également mené plusieurs actions devant les tribunaux belges, dont le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, qu'il a saisi d'une action en responsabilité reprochant à l'état belge un comportement fautif et visant à la réparation du préjudice causé par cette faute. Le demandeur réclamait le paiement d'une indemnité provisionnelle de 803 600 euros, à majorer d'intérêts, et sous peine d'astreinte.
Condamné en première instance, l'état belge a interjeté appel. Entre l'introduction de l'appel et le moment où la cause a été en état d'être jugée, la grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme a rendu son arrêt précité du 31 janvier 2019.
Le débat entre les parties a dès lors porté sur l'autorité s'attachant à cet arrêt et à l'incidence de celui-ci sur la demande dont la cour d'appel était saisie.
L'arrêt attaqué fait droit à la thèse de l'état belge qui, invoquant l'autorité de la chose jugée entre les parties par l'arrêt du 31 janvier 2019, reconnaissait les violations des articles 3 et 5 de la convention constatées par la Cour mais soutenait qu'elle avait statué définitivement sur le dommage du demandeur, qui ne pouvait dès lors plus obtenir d'indemnisation supplémentaire devant les juridictions belges.
Constatant que le demandeur se prévalait également d'autres fautes que celles qui consistaient en la violation des dispositions de la convention, l'arrêt attaqué considère que ces fautes n'ont pas causé un dommage distinct de celui qui résultait de cette violation et qu'elles ont donc été réparées par l'allocation de la satisfaction équitable décidée par la grande chambre de la Cour européenne.
L'arrêt met donc à néant la décision du premier juge qui avait alloué au demandeur une indemnité de 75 000 euros.
Le moyen posait la question si, comme le décide l'arrêt attaqué, l'autorité de l'arrêt par lequel la Cour européenne des droits de l'homme octroie une satisfaction équitable, conformément à l'article 41 de la convention, fait obstacle à ce que le requérant demande au juge national la réparation du dommage qu'il a subi du fait de la violation de la convention.
Par l'arrêt commenté, la Cour casse l'arrêt attaqué. Elle décide en effet que :
« conformément à l'article 41, si [la Cour européenne des droits de l'homme] déclare qu'il y a eu violation de la convention ou de ses protocoles, et si le droit interne de l'état partie au litige ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, elle accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. [...] Un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme qui constate une violation d'une disposition de la convention ou de ses protocoles oblige l'état qui doit en répondre à mettre un terme à la violation et à en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci, [et], si le droit national ne permet pas ou ne permet qu'imparfaitement d'effacer les conséquences de la violation, la Cour a la faculté d'accorder à la partie lésée, s'il y a lieu, la satisfaction qui lui semble appropriée. L'obligation d'un état contractant de se conformer à un arrêt par lequel la Cour européenne des droits de l'homme constate une violation d'une disposition de la convention ou de ses protocoles ne se confond pas avec les obligations que peut lui imposer le droit national.
La circonstance que cette cour ait rendu un arrêt constatant pareille violation et allouant à la partie lésée la satisfaction équitable prévue à l'article 41 de la convention ne fait pas obstacle à ce que les autorités nationales de l'état contractant accordent à cette partie une indemnisation supplémentaire qui ne trouve pas son fondement dans les articles 41 et 46 de la Convention mais dans des dispositions du droit interne qui, tels les articles 1382 et 1383 de l'ancien Code civil, imposent la réparation intégrale du dommage causé à autrui par une faute de l'état ».
Jusqu'à cet arrêt, la doctrine belge approuvait la seule décision rendue en Belgique sur cette question, savoir un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 6 septembre 1999.
Elle estimait dès lors que l'autorité relative de chose jugée des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme a notamment pour conséquence l'exception de chose jugée qui, invoquée par l'une des parties au litige, fait obstacle à toute réitération de la demande[13] et ce, quelle que puisse en être la base[14].
Dans ces conclusions — conformes — précédant l'arrêt commenté, l'avocat général Th. Werquin s'affranchit de ces considérations pour se livrer à une exégèse du mécanisme de la satisfaction équitable prévu à l'article 41 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tel qu'il est interprété par la Cour européenne des droits de l'homme. Il ressort de son analyse que :
« La procédure ayant pour objet de demander une satisfaction équitable pour réparer un dommage subi en raison de la violation par un état d'une disposition de la convention est une procédure indépendante de celle qui est prévue par le droit interne d'un état pour permettre au requérant d'obtenir la réparation intégrale du dommage subi, fondée sur l'article 1382 de l'ancien Code civil, et qui, s'appuyant sur une évaluation très (et trop) subjective de la nature de ce préjudice, accorde une forme 'partielle' de réparation ; la satisfaction équitable accordée par la Cour n'exclut dès lors pas l'introduction d'une procédure devant le juge national visant à obtenir la réparation intégrale du dommage subi fondée sur l'article 1382 de l'ancien Code civil en raison de la violation par un état d'une disposition de la convention ; [...] il suit de l'objet et des conditions d'application différente, d'une part, d'une demande de satisfaction équitable, d'autre part, d'une demande de réparation du dommage réellement subi fondée sur l'article 1382 de l'ancien Code civil, que la décision de la Cour accordant une satisfaction équitable n'a pas autorité de la chose jugée à l'égard du juge national saisi d'une demande de réparation du dommage précité ; la convention n'interdit du reste aucunement l'octroi par les organes de l'état d'indemnités complémentaires à celles que la Cour a allouées au titre de la satisfaction équitable ; il est inexact d'affirmer qu'en statuant sur l'article 41 de la convention, la Cour vide définitivement la question de la réparation du dommage découlant de la violation d'une disposition de la convention ou de ses protocoles ; on ne peut en effet valablement opposer à pareille demande l'autorité de la chose jugée de la décision rendue par la Cour au titre de la satisfaction équitable puisque, d'un côté, la Cour se prononce sur le fondement de l'article 41 de la Convention et statue, en outre, en équité, sans généralement motiver sa décision, et de l'autre, le juge belge se prononce au titre de la réparation intégrale sur le fondement de l'article 1382 de l'ancien Code civil, au terme d'un raisonnement dûment motivé[15] » .
L'arrêt commenté partage cette logique, qui emporte l'adhésion.
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20211001.1F.4
[12]Cass. 8 septembre 2010, Pas. 2010, n° 504 ; Cass. 25 juin 2014, P.14.0899.F, non publié.
Arrêt du 16 décembre 2021 (C.18.0314.N) et les conclusions du premier avocat général R. Mortier
Dans cette cause, la Cour adopte une position claire concernant l'admissibilité d'une preuve obtenue illégalement en matière civile.
Pendant longtemps, la méfiance était de mise à l'égard des preuves obtenues illégalement. Dans tous les types d'affaires, tant pénales que civiles, elles étaient catégoriquement rejetées et écartées d'office des débats.
L'arrêt Antigone du 14 octobre 2003 marque un tournant à cet égard en matière pénale[16]. Ainsi sont nés les trois grands « critères Antigone » appliqués dans un contexte pénal : un élément probant obtenu illégalement n'est pris en considération que si les conditions suivantes sont réunies : 1) pas de violation de conditions de forme prescrites à peine de nullité ; 2) fiabilité de la preuve non entachée par l'irrégularité commise et 3) pas d'usage contraire de la preuve au droit à un procès équitable[17]. Le contrôle Antigone est ensuite davantage détaillé dans la jurisprudence de cassation[18]. Les trois critères Antigone sont conservés, mais des sous-critères supplémentaires sont précisés, dont la juridiction de fond peut tenir compte lorsqu'elle forme sa conviction : soit l'autorité chargée de la recherche, de l'instruction et de la poursuite des infractions a commis l'illégalité intentionnellement ou non, soit la gravité de l'infraction dépasse de loin l'illégalité commise, soit la preuve obtenue illégalement ne concerne qu'un élément matériel de l'existence de l'infraction[19]. En outre, dans la première version du contrôle Antigone, le juge semblait obligé d'écarter l'élément probant en cas de violation d'un seul critère Antigone, alors que, dans la seconde version, il semble s'agir d'une option[20] lorsque les critères « atteinte à la fiabilité » ou « mise en péril du droit à un procès équitable » sont concernés.
Par la suite, la même jurisprudence sera appliquée dans le contexte du droit du marché[21] et du droit fiscal[22]. Le contrôle Antigone sera adapté pour tenir compte du contexte dans lequel ces décisions sont rendues. Dans les affaires de droit fiscal, il est ainsi renvoyé spécifiquement, entre autres, aux « principes de bonne administration » et à une « autorité agissant selon le principe de bonne administration ».
Le flou a persisté plus longtemps en matière civile. Un arrêt de cassation du 11 juin 1998 rappelle encore l'ancienne règle : dans une instance civile, une partie peut utiliser les preuves qu'elle a obtenues régulièrement, sauf si des dispositions légales ou des principes généraux y font obstacle[23]. Mais qu'en est-il de la preuve obtenue illégalement ? Un arrêt de cassation du 10 mars 2008 rendu en matière sociale semble vouloir se rattacher à la doctrine Antigone pénale[24]. Cette jurisprudence reçoit cependant un accueil mitigé de la doctrine[25]. Un premier courant doctrinal est convaincu que, par son arrêt du 10 mars 2008, la Cour de cassation considère que la doctrine Antigone s'applique désormais sans aucune réserve en matière civile (et donc également entre citoyens[26]). Un second courant adopte une attitude plus réservée et souligne les circonstances particulières dans lesquelles l'arrêt de cassation du 10 mars 2008 a été rendu. Il s'agissait en l'occurrence d'une « sanction administrative » et d'une relation entre autorité et particulier, de sorte que la transposition de la jurisprudence Antigone se limite à ces cas précis[27]. Par conséquent, cette doctrine ne pourrait être étendue aux instances entre particuliers ou, à tout le moins, la Cour de cassation n'aurait pas encore tranché la question.
Dans l'arrêt présentement commenté, l'affaire concernait un couple dont le jugement de divorce accordait initialement à la demanderesse une pension alimentaire de mille euros par mois correspondant à la durée du mariage. La demanderesse ayant entamé une relation avec un nouveau partenaire sans qu'il y ait cohabitation, le défendeur a cherché à faire annuler l'octroi de la pension alimentaire en vertu de l'article 301, § 10, de l'ancien Code civil, au motif que la demanderesse vivait avec un nouveau partenaire. En première instance, la demande du défendeur a été déclarée non fondée, faute de preuve d'une amélioration effective et significative de la situation économique du créancier d'aliments. La demande formée par le défendeur a néanmoins été déclarée recevable en degré d'appel. En effet, la juridiction compétente a admis qu'il existait des preuves suffisantes que la demanderesse vivait maritalement avec son nouveau partenaire au sens de l'article 301, § 10, alinéa 3, de l'ancien Code civil, et que, par conséquent, le défendeur n'avait plus l'obligation de verser de pension alimentaire à la demanderesse. La demanderesse présente deux moyens contre ce dernier arrêt.
Dans son premier moyen de cassation, la demanderesse fait grief au juge d'appel de ne pas avoir décidé qu'il y avait lieu d'écarter des débats la pièce n° 29 du défendeur et ce, nonobstant la décision du premier juge. La pièce n° 29 concernait un extrait du Registre national comportant l'historique des domiciles du nouveau partenaire de la demanderesse. Selon la demanderesse, cette pièce aurait été obtenue au mépris de la finalité de l'autorisation d'accès au Registre national accordée à l'avocat et constituerait dès lors une preuve obtenue illégalement. Elle soutient à cet égard que les avocats ne peuvent utiliser les informations tirées du Registre national que pour les nécessités de la procédure, à savoir pour l'intentement, la conduite et la clôture d'une procédure qui lui est confiée ou afin d'accomplir des actes précédant une procédure contentieuse. étant donné qu'en l'espèce, l'avocat du défendeur avait consulté le Registre national afin d'effectuer des recherches concernant une personne qui n'est pas partie à l'instance (à savoir, le nouveau partenaire de la demanderesse), cette recherche, utilisée comme preuve en justice, constituerait une preuve obtenue illégalement. Selon la demanderesse, le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense (consacré à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales) requiert qu'une preuve obtenue illégalement dans des litiges relevant exclusivement du droit privé soit toujours écartée des débats. En s'abstenant d'examiner si la preuve en question a effectivement été obtenue illégalement et en rejetant la demande d'écartement au seul motif que, en tout état de cause, la fiabilité de la pièce n'est pas mise en cause et que le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable n'ont pas été mis en péril, la juridiction d'appel a violé, entre autres, l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.
La Cour rejette le moyen de cassation de la demanderesse et confirme la décision des juges d'appel. La Cour considère en premier lieu que, sauf disposition contraire expressément prévue par la loi, l'utilisation d'une preuve obtenue illégalement en matière civile ne peut être écartée que si son obtention entache sa fiabilité ou si elle compromet le droit à un procès équitable. Elle estime ensuite que le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause, notamment la manière dont la preuve a été obtenue, la gravité de l'illégalité et la mesure dans laquelle le droit de la partie adverse a été violé, le besoin de preuve de la part de la partie qui a commis l'illégalité et l'attitude de la partie adverse. Il s'ensuit, selon la Cour, que le moyen, qui repose sur le soutènement qu'il découle du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, tel qu'il est consacré, entre autres, à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une preuve obtenue illégalement dans des litiges dont la nature relève purement du droit privé doit toujours être écartée des débats, manque en droit[28].
Par cet arrêt, rendu sur les conclusions conformes du premier avocat général R. Mortier, la Cour adhère ainsi au premier courant précité, qui estime que la doctrine Antigone s'applique également en matière civile. Les « critères Antigone » appliqués tiennent compte, en outre, de la spécificité du droit civil. Seuls les critères de l'atteinte à la fiabilité de l'obtention de la preuve et de la mise en péril du droit à un procès équitable sont conservés. Le contrôle civil ne reprend donc pas du contrôle pénal le critère selon lequel « une preuve obtenue illégalement est inadmissible en cas de forme prescrite à peine de nullité ». En effet, la doctrine a déjà laissé entendre que ce dernier critère est difficilement transposable en droit de la procédure civile, qui applique avec une grande souplesse la doctrine de la nullité[29]. Par ailleurs, il convient de faire remarquer qu'à l'instar du contrôle pénal, le contrôle civil suppose une simple option[30] (et donc pas une obligation) d'écarter la preuve dans l'appréciation des critères « atteinte à la fiabilité » et « mise en péril du droit à un procès équitable ». Enfin, le contrôle civil, tout comme le contrôle pénal, doit également être précisé au moyen d'une série de sous-critères spécifiques adaptés au droit civil. Dans son appréciation, le juge peut en effet tenir compte de la manière dont la preuve a été obtenue, de la gravité de l'illégalité et de la mesure dans laquelle le droit de la partie adverse a été violé, du besoin de preuve[31] de la part de la partie qui a commis l'illégalité et de l'attitude[32] de la partie adverse.
Au demeurant, six mois avant le présent arrêt, et plus précisément le 14 juin 2021, la Cour rendait déjà, sur les conclusions de l'avocat général H. Vanderlinden, une décision identique concernant le contrôle Antigone en matière civile[33]. Cette affaire concernait la vente d'une voiture particulière de la marque BMW dont le prix était sujet à discussion entre les parties. La demanderesse soutenait que le prix de 43.500 euros mentionné sur le bon de commande était une erreur matérielle et que le prix convenu était de 53.500 euros. Elle étayait cette allégation au moyen d'un enregistrement d'une conversation téléphonique tenue avec le défendeur. Le juge d'appel a écarté cet enregistrement sonore des débats comme ayant été obtenu de manière illégale, au seul motif qu'il avait été effectué secrètement et qu'il semblait, eu égard au litige né entre les parties, que cet enregistrement avait été provoqué avec l'intention de l'utiliser contre le défendeur et que la demande aurait pu être prouvée par d'autres moyens légaux. La Cour a cassé cette décision du juge d'appel en renvoyant au contrôle Antigone, dans une formulation parfaitement identique à celle qu'elle utiliserait dans le présent arrêt du 16 décembre 2011.
Le second moyen de cassation porte sur l'interprétation de l'article 301, § 10, alinéa 3, de l'ancien Code civil concernant la cessation de l'obligation alimentaire après divorce, lorsque le créancier d'aliments vit maritalement avec une autre personne. Selon la Cour, il suffit, pour mettre fin à cette obligation alimentaire, que le juge constate que le créancier d'aliments vit maritalement avec une autre personne et il ne doit pas avoir été établi que cette cohabitation a effectivement amélioré la situation économique du créancier d'aliments.
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20211216.1N.8
[16]Cass. 14 octobre 2003, AC 2003, 1862.
Arrêt du 24 février 2021 (P.20.0965.F) et les conclusions de l'avocat général D. Vandermeersch
Le « Conseil cynégétique du Bois Saint Jean » assure la coordination de la gestion cynégétique sur un territoire qui couvre, en totalité ou en partie, les communes de Houffalize, La Roche-en-Ardenne, Manhay, Rendeux, Vielsalm et Lierneux. Sa mission comprend la gestion de la population de cerfs par la chasse.
Il a été poursuivi pour ne pas avoir respecté les conditions fixées par les plans de tir pour les saisons 2014-2015, 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018, dès lors que les minimums d'unités de cervidés non-boisés imposés par les plans de tir n'ont pas été atteints.
Le plan de tir, qui est adressé à des personnes ou, comme en l'espèce, à des associations de personnes, est attribué par le Directeur du Département de la Nature et de Forêts afin de réguler la densité de la population de cerfs.
L'arrêté royal du 22 avril 1993 relatif au plan de tir pour la chasse au cerf indique en son article 1er qu'il est attribué pour une saison de chasse.
L'article 1er, § 1er, 2, de la loi du 28 février 1882 sur la chasse définit l'année cynégétique comme étant la période s'étendant de douze mois et dont les dates de début et de fin sont définies par le gouvernement. Cette dernière disposition n'est donc pas exécutoire par elle-même.
L'article 1erter, alinéa 1er, de la loi du 28 février 1882 dispose que dans la Région wallonne, le gouvernement fixe pour une période de cinq ans, pour l'ensemble ou une partie de son territoire, pour chaque catégorie, espèce, type ou sexe de gibier et pour chaque mode et procédé de chasse, les dates de l'ouverture, de la clôture ou de la suspension de la chasse.
Dans ce cadre, le gouvernement wallon a adopté le 24 mars 2016 un arrêté fixant lesdites dates du 1er juillet 2016 au 30 juin 2021. Cet arrêté succède à un arrêté du gouvernement wallon du 12 mai 2011, applicable, selon son article 1er, du 1er juillet 2011 au 30 juin 2016, pour cinq années cynégétiques consécutives s'étendant chacune du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante.
La cour d'appel de Liège a acquitté le Conseil cynégétique du Bois Saint Jean de toutes les préventions mises à sa charge, à défaut de base légale fondant les poursuites. Les juges d'appel ont relevé que l'arrêté du gouvernement wallon du 24 mars 2016 a été annulé par un arrêt du Conseil d'état du 25 octobre 2019 et indiqué que le Conseil d'état a motivé sa décision par la circonstance que l'arrêté du gouvernement wallon du 23 mars 1995 fixant le fonctionnement et les modalités de consultation du Conseil supérieur wallon de la chasse viole l'article 3, § 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'état, à défaut de justification d'une urgence rendant impossible la consultation de sa section de législation dans un délai de trois jours. La cour d'appel en a déduit que, par répercussion, tous les arrêtés du gouvernement wallon adoptés sur la base de l'avis du Conseil supérieur de la chasse, constituant une formalité substantielle, étaient affectés de la même illégalité. Elle a décidé que, partant, lesdits arrêtés des 12 mai 2011 et 24 mars 2016 ne pouvaient fonder les poursuites pénales, conformément à l'article 159 de la Constitution qui dispose que les cours et tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux, qu'autant qu'ils seront conformes aux lois.
Le ministère public a formé un pourvoi contre l'arrêt attaqué. Il a notamment invoqué un moyen pris de la violation des articles 159 de la Constitution, 14ter des lois coordonnées sur le Conseil d'état, 1er, § 1er, 2°, et 1erquater de la loi du 28 février 1882 sur la chasse, 1er de l'arrêté du gouvernement wallon du 22 avril 1993 relatif au plan de tir pour la chasse au cerf et 1er de l'arrêté du gouvernement wallon du 24 mars 2016 fixant les dates de l'ouverture, de la clôture et de la suspension de la chasse du 1er juillet 2016 au 30 juin 2021. Il a fait valoir qu'en annulant l'arrêté du 24 mars 2016, l'arrêt du Conseil d'état du 25 octobre 2019 a maintenu les effets, notamment, de l'article 1er qui détermine les dates de début et de fin des cinq années cynégétiques concernées. Il a soutenu, par référence à un arrêt numéro 18/2012 de la Cour constitutionnelle du 9 février 2012, que, dans un souci de préserver la sécurité juridique, le maintien des effets d'un arrêté par application de l'article 14ter précité a pour effet d'en maintenir la valeur juridique et, partant, de le faire échapper à la censure de l'article 159 de la Constitution.
La Cour rejette le pourvoi. En réponse au moyen, elle relève, dans un premier temps, que le principe de légalité garanti par l'article 159 de la Constitution s'inscrit dans un ensemble de principes généraux du droit à valeur constitutionnelle, dont le principe de la sécurité juridique, et que c'est aux fins de préserver la sécurité juridique en évitant de mettre à mal, par l'effet de l'annulation, des situations juridiques acquises, que le Conseil d'état s'est vu conférer un pouvoir de modulation dans le temps de ses arrêts d'annulation. Elle énonce, ensuite, qu'en matière répressive, l'article 159 précité doit cependant se combiner avec l'article 12, alinéa 2, de la Constitution, selon lequel nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans les formes qu'elle prescrit et décide que le maintien des effets d'un acte réglementaire illégal ne rencontre pas cette exigence. Elle en déduit, enfin, que les infractions de non-respect du plan de tir des années cynégétiques 2016-2017 et 2017-2018 ne répondent pas au principe de légalité qui en conditionne l'existence, à défaut de norme légale portant la définition de la période de chasse.
Arrêt du 29 septembre 2021 (P.21.0523.F) et les conclusions de l'avocat général M. Nolet de Brauwere
Une mère d'élèves d'un établissement de l'enseignement secondaire s'en est prise verbalement au professeur de mathématiques de ses enfants : en présence du proviseur de l'établissement, elle lui a reproché d'avoir « cassé » et « tué » ses enfants par ses manigances et comportements discriminatoires visant à éliminer de l'école des enfants dont l'origine ne lui convenait pas, de vouloir conserver uniquement « les blonds aux yeux bleus et les enfants de médecins » et de considérer que les enfants d'origine marocaine ou issus de familles modestes n'avaient pas leur place dans sa classe.
Elle a été appelée à répondre, en raison de ces propos, d'une prévention de calomnie visée aux articles 443, al. 1er, 444, 450, al. 1er, et 453bis Code pénal.
Dans un arrêt du 18 mars 2021, la cour d'appel de Bruxelles a déclaré la prévention établie.
Dans le pourvoi formé contre cet arrêt, la prévenue a reproché à cet arrêt de ne pas avoir appliqué d'office la prescription de trois mois prévue lorsque la calomnie est dirigée contre un fonctionnaire public ou un agent de l'autorité publique.
La Cour de cassation, dans l'arrêt examiné, considère, sur conclusions partiellement contraires du ministère public, que l'article 4 du décret du 20 juillet 1831 sur la presse exige que la calomnie ait atteint une personne ayant agi dans un caractère public à raison de faits relatifs à ses fonctions, ce qui suppose qu'elle accomplisse, en vertu d'une délégation directe ou indirecte de la Nation, des actes de la puissance publique, l'objectif du régime de la courte prescription institué par le décret étant de faciliter le contrôle des citoyens sur les actes de l'administration publique.
Or, selon la Cour, l'enseignement des mathématiques, fût-il dispensé dans un établissement scolaire relevant du réseau officiel, ne constitue pas, à lui seul, dans le chef du professeur qui en est chargé, l'exercice d'une prérogative de puissance publique.
Ce faisant, la Cour rompt avec une certaine jurisprudence selon laquelle les fonctionnaires de l'enseignement et notamment les institutrices communales ont un caractère public, lorsqu'ils agissent pour l'acquit de leur fonctions ou devoirs professionnels[34].
Un autre grief formé à l'encontre de l'arrêt était que ce dernier s'était contenté de la présence d'un seul témoin pour dire la prévention établie, alors que la mise de ce terme au pluriel, dans le libellé de l'article 444, al. 4, du Code pénal, indique qu'il en faut au moins deux. L'élément constitutif de publicité prévu par la disposition précitée ferait donc défaut.
La Cour, sur conclusions contraires, rejette ce grief. Elle analyse, pour ce faire, la genèse de l'article 444 précité : « il[en] ressort que la répression du duel n'a paru admissible qu'à la condition que les citoyens trouvent dans la loi, plutôt que dans les armes, des dispositions protégeant efficacement leur honneur. La version originale du quatrième alinéa de cet article n'exigeait pas la condition relative à la présence de témoins. Cette version admettait la calomnie par cela seul que l'imputation avait été proférée en présence de la personne offensée, fût-ce en tête-à-tête avec elle. Il fut observé alors que, l'offensé étant l'unique témoin du délit, il ne pouvait y avoir d'atteinte à son honneur, et que la preuve en devenait délicate puisque tributaire de sa seule déclaration. C'est à la suite de cette observation que les mots « et devant témoins » furent ajoutés ». « Or », poursuit la Cour, « aucune disposition légale ne fait de la pluralité des témoignages une condition formelle de leur admissibilité. Il s'ensuit que, dans la mesure où il s'agit d'une question de preuve, le délit de calomnie par imputation faite en présence de la personne offensée et devant « témoins » peut être déclaré établi quand bien même il n'y en a eu qu'un. Pour faire perdre son caractère outrageant à l'imputation faite dans un lieu privé, il faut qu'elle ait été proférée hors de la présence de tous témoins, car elle ne peut plus, dans ce cas, porter atteinte à l'honneur de la victime ni l'exposer au mépris public, alors qu'elle le peut si un tiers est présent ».
Cette décision tranche un débat présent dans la doctrine. Plusieurs auteurs, auxquels d'ailleurs se référait le ministère public pour conclure au fondement du moyen, considéraient que l'imputation verbale devait avoir été proférée en présence, outre de la victime, de plusieurs — au moins deux — personnes[35]. L'arrêt examiné écarte sans équivoque cette interprétation littérale du texte légal.
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210929.2F.3
[34] Liège, 4 juillet 1872, Pas. 1872, II, 389, Cass. fr., 18 mai 1893, D.P. 1895, I, 462, etc., cités par J. LECLERCQ, « Atteintes portées à l'honneur ou à la considération des personnes », Novelles, Droit pénal, t. IV, 1989, p. 151, n° 7217.
Arrêt du 14 décembre 2021 (P.21.1108.N)
Le 9 décembre 2018, une infraction portant sur un excès de vitesse commis au moyen d'un véhicule de leasing a été constatée. Le 20 décembre 2018, une demande de renseignements a notamment été adressée à la société de leasing dans le but d'obtenir, dans les quinze jours de l'envoi de la demande, des informations sur l'identité du conducteur, ainsi que le prévoient les articles 29ter et 67ter de la loi du 16 mars 1968. La société de leasing n'a pas donné suite à cette demande dans le délai légal, invoquant ne jamais avoir reçu la demande. La société de leasing a été poursuivie devant le tribunal de police du chef de cette infraction.
Conformément à la jurisprudence constante, le jugement attaqué considère que la déclaration de culpabilité du chef de l'infraction visée aux dispositions légales précitées ne requiert pas la preuve du fait que cette demande de renseignements ait également été reçue par le titulaire de la plaque d'immatriculation du véhicule ou par le propriétaire du véhicule. Si le titulaire de la plaque du véhicule ou le propriétaire du véhicule prétend ne pas avoir reçu la demande de renseignements, il est tenu d'indiquer les éléments factuels qui rendent leur allégation admissible, ce que le prévenu a omis de faire selon le jugement attaqué. La société de leasing a été déclarée coupable du chef de la prévention visée.
Le prévenu conteste la décision du jugement et la jurisprudence qui la fonde. Il estime que l'article 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a ainsi été violé et que la présomption d'innocence et la charge de la preuve ont été méconnues.
S'agissant de la solution appliquée par le jugement attaqué, les points de vue développés notamment dans la doctrine ont été exposés pro et contra. Ainsi, C. DE ROY estime que cette jurisprudence permet d'atteindre un bon équilibre entre les différents intérêts en jeu[36]. La doctrine critique argumente que cette jurisprudence est répressive, au risque de la méconnaissance de la règle de la stricte interprétation de la loi et d'une interprétation exégétique au détriment du prévenu et, par extension ou à titre complémentaire, à l'avantage de la partie poursuivante[37].
La doctrine défend l'envoi par recommandé ou la remise avec accusé de réception des demandes de renseignements[38].
Sur le pourvoi en cassation formé par le prévenu, la Cour casse la décision attaquée, elle nuance la jurisprudence constante et alourdit la charge de la preuve pour le ministère public. La Cour considère que la déclaration de culpabilité de la personne morale titulaire de la plaque d'immatriculation du chef du délit visé à l'article 67ter, alinéas 1 et 2, de la loi du 16 mars 1968 requiert que, lorsque la demande de renseignements a été adressée par écrit au titulaire de la plaque d'immatriculation, il peut être raisonnablement supposé que le titulaire de la plaque d'immatriculation a effectivement reçu cette demande ou que la non—réception de celle-ci résulte de sa négligence.
Ni l'article 6, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni le principe général du droit relatif à la présomption d'innocence ne s'opposent à ce que le juge déduise de la constatation que la demande de renseignements a effectivement été envoyée, que le titulaire de la plaque d'immatriculation a effectivement reçu aussi cette demande ou que la non-réception de celle-ci résulte de la négligence du titulaire de la plaque d'immatriculation, à la condition que, compte tenu de la sanction sévère qu'il peut encourir, le titulaire de la plaque d'immatriculation dispose d'une possibilité effective de renverser cette présomption de réception ou de négligence expliquant la non-réception. Cela suppose la démonstration par la partie poursuivante que la demande de renseignements a été présentée au titulaire de la plaque d'immatriculation lui-même ou à son siège.
Le juge qui déduit de la seule circonstance qu'une demande de renseignements a été envoyée au siège de la personne morale titulaire de la plaque d'immatriculation la présomption que le titulaire de la plaque d'immatriculation a eu lui-même connaissance de la demande de renseignements ou qu'il a lui-même rendu cette prise de connaissance impossible et qui, sur ce fondement, décide qu'il revient à ce dernier de rendre admissible qu'il n'a pas reçu la demande de renseignements et qu'il n'a pas été négligent, viole l'article 6, § 2, de la Convention et méconnaît le principe général du droit relatif à la présomption d'innocence.
Par ailleurs, la Cour considère que le jugement attaqué qui déduit la présomption que la demanderesse avait connaissance de la demande de renseignements du simple envoi de l'invitation à verser une perception immédiate associée à une demande de renseignements, sans constater qu'il apparaît que cette demande de renseignements a été adressée à la demanderesse elle-même mais à son siège, viole l'article 6, § 2, de la Convention et méconnaît le principe général du droit relatif à la présomption d'innocence.
Par cet arrêt, la Cour s'écarte ainsi de sa jurisprudence selon laquelle il est explicitement convenu qu'il n'y a pas lieu de démontrer que la demande de renseignements a été reçue par le destinataire et qu'il appartient au destinataire de rendre sa non-perception admissible[39].
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20211214.2N.16
[36] C. DE ROY, « Het ontvangen door de rechtspersoon van de vraag tot identificatie van de bestuurder van het motorvoertuigin de zin van artikel 67ter Wegverkeerswet », C.R.A. 2014, pp. 47-49.
Arrêt du 10 février 2021 (P.21.0163.F) et les conclusions de l'avocat général M. Nolet de Brauwere
Un inculpé avait été placé en détention préventive du chef de production de stupéfiants, avec la circonstance que les faits auraient été commis dans le cadre des activités d'une association. Lors de la première comparution en chambre du conseil, la légalité du mandat d'arrêt a été critiquée par la défense au motif que cet acte avait été accompli dans le but d'exercer une forme de contrainte, en violation de l'article 16, § 1er, alinéa 3, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, et de la présomption d'innocence.
Il était reproché au juge d'instruction d'avoir écarté la possibilité d'une mise en liberté de l'inculpé sous conditions, ou l'application de la détention sous surveillance électronique, au motif que ces modalités ne présentaient pas de garanties suffisantes pour la sécurité publique « a fortiori au regard du manque apparent de collaboration de l'inculpé ».
La détention ayant été confirmée par la chambre du conseil, la cour d'appel, chambre des mises en accusation, fut saisie sur le recours de l'inculpé. Cette juridiction d'instruction décida que « cette formule constitu[ait] une forme de contrainte qui [était] de nature à entraîner une violation de la présomption d'innocence » mais qu'il était au pouvoir du juge de la corriger, soit en « remplaçant [ce] motif erroné par un motif exact », soit en rectifiant l'erreur dont le mandat d'arrêt était ainsi entaché. Cela fait, la cour d'appel rejeta les modalités sollicitées par l'inculpé, car, selon elle, ces mesures ne paraissaient pas de nature à obvier aux risques de récidive, de collusion avec des tiers ou de soustraction à l'action de la Justice.
Sur le pourvoi de l'inculpé, la Cour rappelle d'abord que l'interdiction du recours à la détention préventive en vue d'exercer une forme de contrainte est la conséquence du droit au silence reconnu à toute personne accusée d'une infraction, lequel découle lui-même de l'obligation, à laquelle sont tenues les autorités judiciaires, de respecter la présomption d'innocence de l'intéressé. Elle décide ensuite que la méconnaissance de cette interdiction affecte une condition de fond du mandat d'arrêt et ne saurait se réduire à une simple erreur dans sa formulation, de sorte que les juridictions d'instruction ne sont pas habilitées à y apporter remède.
Par voie de conséquence, sur les conclusions contraires de son ministère public, la Cour considère que le constat que le mandat d'arrêt a été décerné en violation de cette condition de fond emporte celui que ce titre de détention est nul et que l'inculpé doit être mis en liberté. En effet, la cassation de l'arrêt de la chambre des mises en accusation est ordonnée sans renvoi[40].
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210210.2F.20
[40] à propos de la cassation sans renvoi, voy. R. DECLERCQ, Pourvoi en cassation en matière répressive, Bruxelles, Bruylant, 2015, p. 747, et, illustrant les hypothèses de pareille décision, cet auteur visait précisément celle où c'est le mandat d'arrêt qui, selon la Cour, ne pouvait être déclaré valable (idem, p. 748, n° 1211, citant Cass., 20 août 1996, Pas., n° 281).
Arrêt du 11 mai 2021 (P.21.0284.N)
Dans cette affaire, la Cour a été amenée à rappeler une importante condition formelle de la recevabilité d'une demande en révision. L'article 443, alinéas 2 et 3, du Code d'instruction criminelle prévoit qu'une demande en révision n'est pas recevable si le demandeur ne joint pas à sa requête un avis motivé en faveur de celle-ci, de trois avocats à la Cour de cassation ou de trois avocats ayant au moins dix années d'inscription au tableau[41]. Selon la Cour, il résulte de cette disposition qu'une inscription à la liste des avocats stagiaires ne peut être considérée comme une inscription au tableau. En l'espèce, un avis favorable rendu par trois avocats avait été joint à la demande en révision. Or l'un d'eux était inscrit à la liste des avocats stagiaires depuis le 12 octobre 2007 mais n'a été admis au tableau que le 20 mai 2011. à la date à laquelle cet avis a été rendu, l'avocat concerné était donc inscrit au tableau depuis moins de dix ans. La demande en révision a donc été déclarée irrecevable.
La condition selon laquelle les avis doivent émaner de trois avocats à la Cour de cassation ou de trois avocats ayant au moins dix années d'inscription au tableau, date déjà de la procédure en révision telle qu'elle était auparavant en vigueur, depuis la loi du 18 juin 1894. Cette condition a été maintenue au moment de la modernisation de la procédure en révision par la loi du 11 juillet 2018[42], qui n'a apporté sur ce point qu'une précision d'ordre terminologique en ajoutant les mots « au moins » (« trois avocats ayant au moins dix années d'inscription au tableau » ce qui, en réalité, va de soi) et en supprimant la référence au tableau « de la cour d'appel » (qui n'existe plus[43]).
Il est manifeste que l'intention du législateur était et reste de contribuer à garantir la qualité de la procédure en révision en subordonnant celle-ci à l'avis favorable de trois avocats expérimentés, à savoir des avocats à la Cour de cassation ou des avocats inscrits au tableau, en l'occurrence au tableau de l'Ordre, depuis au moins dix ans. Comme tel était le cas auparavant, il doit nécessairement apparaître qu'il a été satisfait à cette exigence, autrement la demande de révision doit être déclarée irrecevable[44]. Le Code judiciaire révèle lui aussi qu'une inscription à la liste des avocats stagiaires ne peut être, dans ce contexte, assimilée à une inscription au tableau de l'Ordre, dès lors qu'il établit lui-même une distinction claire entre la liste des avocats stagiaires, d'une part, et le tableau de l'Ordre, d'autre part[45]. S'il est vrai que l'avocat stagiaire est un avocat à part entière, il existe une différence indéniable entre un tel avocat stagiaire, qui doit encore faire l'objet d'un accompagnement, et un avocat inscrit au tableau, sur lequel une telle surveillance a cessé de s'exercer[46].
L'obligation de joindre à la requête un avis favorable motivé, rendu par trois avocats à la Cour ou par trois avocats inscrits au tableau depuis au moins dix ans, doit être distinguée des conditions légales auxquelles la requête en tant que telle doit satisfaire. Sauf lorsque la Cour est saisie de la demande en révision par un réquisitoire du procureur général près la Cour ou du procureur général près une cour d'appel, la requête doit être signée par un avocat à la Cour, en application de l'article 444, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle[47].
Si ces exigences formelles s'appliquant à la demande de révision sont demeurées inchangées, la procédure en révision a été, quant à elle, radicalement modifiée par la loi précitée du 11 juillet 2018, notamment par la mise sur pied d'une « Commission de révision en matière pénale », organe consultatif chargé de rendre des avis concernant le « novum » pouvant entraîner la révision (art. 443, al. 1er, 3°, du Code d'instruction criminelle[48]). Avant l'entrée en vigueur de cette loi, la Cour procédait souvent elle-même à un contrôle marginal du novum dont il était fait état[49] et ce, au moment d'apprécier la recevabilité de la demande de révision. Cette situation était parfois critiquée par la doctrine[50]. La création d'une commission de révision indépendante doit notamment être comprise dans ce contexte.
Au cours de l'année écoulée, cette commission a instruit plusieurs affaires, qui lui ont été renvoyées tantôt par la section française[51], tantôt par la section néerlandaise[52] de la deuxième chambre de la Cour. Dans d'autres affaires, la demande en révision a été rejetée comme étant « manifestement infondée[53] » (C.I.cr., art. 445, al. 4) ou déclarée irrecevable[54] (C.I.cr., art. 445, al. 3).
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210511.2N.2
[41] Voir, en revanche, la réouverture de la procédure, prévue à l'article 442quater, § 2, du Code d'instruction criminelle, même s'il n'y est pas question de l'avis à joindre à la demande mais de la signature de la demande elle-même. Selon cet article, la demande en réouverture, sauf lorsqu'elle émane du procureur général près la Cour, doit être signée par un avocat inscrit au barreau depuis plus de dix ans, et la période de stage peut donc être prise en compte (voir à ce sujet F. VAN VOLSEM, « Tien jaar toepassing van de heropening van de rechtspleging in strafzaken in België », J. DE CODT, B. DECONINCK et D. THIJS (eds.), Vijftig jaar Gerechtelijk Wetboek. Wat nu ? Le Code judiciaire a cinquante ans. Et après ? Hommage Ernest Krings & Marcel Storme, Bruxelles, Larcier, 2018, p. 674, n° 40.
Arrêt du 1 juin 2021 (P.21.0325.N) et les conclusions (conformes) de l'avocat général A. Winants
Cet arrêt trouve son origine dans le fait qu'un usager de la route a brûlé un feu rouge. Pour ce motif, le contrevenant a reçu une invitation à payer une perception immédiate de 174 euros, puis une invitation à payer une transaction de 235 euros et enfin, en l'absence de tout versement, un ordre de paiement d'un montant de 517,25 euros.
La personne concernée a introduit devant le tribunal de police, contre cet ordre de paiement, le recours prévu à l'article 65/1 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière[55] contre cet ordre de paiement. Ledit article précise la manière dont le recours devait être introduit et la procédure à suivre (§ 2, al. 1 à 5), mais la disposition était imprécise quant au pouvoir juridictionnel précis du tribunal de police : elle mentionnait uniquement que si le recours est déclaré recevable, l'ordre de paiement est réputé non avenu et que le greffier communique au procureur du Roi la décision définitive statuant sur la recevabilité du recours (§ 2, al. 6 et 7).
Ce manque de clarté dans cette disposition a engendré une jurisprudence dispersée parmi les juridictions de jugement. Certains juges[56] - et tel fut également le cas des juges en cette cause — se sont prononcés sur la base d'une lecture littérale de l'article 65/1, § 2, alinéas 6 et 7, de la loi du 16 mars 1968, à savoir que le fait de déclarer recevable le recours avait pour conséquence que l'ordre de paiement devait être considéré comme non avenu, le pouvoir juridictionnel du juge étant de ce fait épuisé. D'autres ont décidé, dans la ligne de ce que le collège des procureurs généraux a soutenu[57], qu'après avoir déclaré le recours recevable, le juge était appelé à se prononcer sur l'action publique exercée du chef des faits qui avaient donné lieu à l'ordre de paiement.
Par cet arrêt, la Cour a donné forme à sa mission d'assurer l'unicité de la jurisprudence. Dans un premier temps, en fonction des objectifs que le législateur poursuivait en instaurant l'ordre de paiement, la nature exacte d'un ordre (exécutoire) de paiement est examinée et précisée. Ensuite, précision est apportée quant à ce que le juge est précisément tenu d'apprécier. Enfin, l'arrêt indique les éventuelles conséquences de la décision rendue sur le recours.
En ce qui concerne la nature d'un ordre (exécutoire) de paiement, la Cour décide que :
le législateur a introduit une procédure sui generis visant à donner au ministère public la possibilité de délivrer un titre exécutoire, de sorte qu'il n'est plus nécessaire de recourir à un juge pénal pour contraindre au paiement un contrevenant auquel une transaction a été proposée. En effet, le juge a voulu rationaliser le traitement de certaines affaires en matière de roulage en infligeant une sanction rapide, certaine et adaptée à la situation concrète et ce selon une procédure qui offre à l'intéressé un niveau suffisant de protection juridique. L'objectif était de réduire la charge de travail des autorités en charge de la poursuite et du jugement des affaires de roulage, leur permettant ainsi de bénéficier de davantage de temps pour traiter les dossiers complexes.
la procédure ne vise pas à infliger une peine au sens de l'article 1er du Code pénal mais exclusivement à créer un titre exécutoire. En délivrant un ordre de paiement et la procédure qui s'ensuit, l'action publique n'est pas mise en mouvement et la procédure de recours prévue à l'article 65/1, § 2, de la loi du 16 mars 1968 ne peut donc avoir pour conséquence que le tribunal de police ou, en degré d'appel, le tribunal correctionnel connaisse de l'action publique relative aux faits ayant donné lieu à la délivrance de l'ordre de paiement.
La Cour en déduit que, lorsqu'un recours est introduit en application de l'article 65/1, § 2, de la loi du 16 mars 1968, le tribunal de police et, en degré d'appel, le tribunal correctionnel doivent examiner si :
le recours introduit par requête répond aux conditions de délai et de forme prescrites ;
les conditions imposées par le législateur pour la délivrance de l'ordre de paiement par le ministère public et sa notification sont remplies ;
il est établi que la personne à laquelle l'ordre de paiement a été délivré a commis les faits sur la base desquels cet ordre a été émis, ce qui suppose de vérifier si les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis, si ces faits peuvent être imputés à la personne considérée comme étant le contrevenant et si la somme pour laquelle le ministère public a délivré l'ordre de paiement est légale.
Ce faisant, la Cour rejette expressément la thèse selon laquelle le juge doit limiter son appréciation du recours à l'examen de sa recevabilité et que toute déclaration de recevabilité d'un tel recours a automatiquement pour conséquence que l'ordre de paiement est réputé non avenu. Selon la Cour, cette prémisse viderait cette réglementation de tout sens : un recours recevable qui, selon la volonté du législateur doit être motivé, suffirait pour priver l'ordre de paiement de tout effet, quels que soient les motifs sur lesquels il se fonde. De l'avis de la Cour, il est impossible que telle ait été l'intention du législateur.
à la lumière de l'examen précité auquel le juge est tenu de procéder, il peut ainsi décider que le recours de la personne à laquelle l'ordre de paiement a été délivré :
est irrecevable, avec pour conséquence que, dès le moment où la décision du juge est devenue définitive, l'ordre de paiement devient exécutoire ;
est recevable mais non fondé, ce qui a également pour conséquence que, dès le moment où la décision du juge est devenue définitive, l'ordre de paiement devient exécutoire ;
est recevable mais non fondé, ce qui a également pour conséquence que, dès le moment où la décision du juge est devenue définitive, l'ordre de paiement devient exécutoire.
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210601.2N.5
[55]Il s'agissait de la version de cette disposition telle que modifiée dernièrement par l'article 22 de la loi du 6 mars 2018 (M.B. 15 mars 2018) et par l'article 5 de la loi du 2 septembre 2018 (M.B. 2 octobre 2018), mais avant la modification par l'article 16 de la loi du 21 juin 2021 (M.B. 29 juin 2021) et par l'article 29 de la loi du 28 novembre 2021 (M.B. 30 novembre 2021, 2ème éd.).
Arrêt du 10 juin 2020 (P.21.1196.N), 19 octobre 2021 (P.21.1235.N) et 28 septembre 2021 (P.21.1204.N)
Lorsqu'un prévenu reste en détention après la clôture de l'instruction par la juridiction d'instruction, sa privation de liberté se poursuit pour une durée indéterminée et il n'est donc plus question d'un maintien périodique de sa détention préventive. Toutefois, en vertu de l'article 27 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, le prévenu qui est en détention a la possibilité, au stade du jugement, de demander lui-même sa mise en liberté provisoire. à cette fin, il doit, de sa propre initiative, adresser une requête au juge compétent. En 2021, la Cour a pris plusieurs décisions fondamentales concernant l'applicabilité de cette procédure, en particulier s'agissant des liens avec la procédure au fond, de la succession de nouvelles demandes et de la possibilité de demander également que la détention préventive soit exécutée selon la modalité de la surveillance électronique.
À partir du moment où est interjeté l'appel d'une condamnation par le tribunal correctionnel, la requête doit être adressée à la chambre des appels correctionnels, conformément à l'article 27, § 1er, 2°, de la loi du 20 juillet 1990. Comme le rappelle la Cour dans l'affaire P.21.1196.N, il n'en résulte pas que ladite requête doive nécessairement être examinée par la chambre correctionnelle de la cour d'appel qui connaît ou connaîtra de l'appel interjeté par le prévenu. Une autre chambre correctionnelle de la cour d'appel peut également connaître de cette demande[58]. Mais tel ne doit pas nécessairement être le cas, dès lors qu'il ressort de plusieurs arrêts de la Cour que rien n'empêche le juge qui a statué sur une requête, de statuer également sur le fond de l'affaire par la suite[59]. Par ailleurs, s'il est certain que la juridiction d'instruction qui statue en degré d'appel ne peut exercer cette compétence, il peut se déduire de l'arrêt de la Cour que la chambre correctionnelle compétente peut, le cas échéant, être composée de conseillers qui composent habituellement la chambre des mises en accusation[60]. Cette décision est d'ailleurs conforme à la jurisprudence antérieure de la Cour, selon laquelle l'article 292 du Code judiciaire ne s'oppose pas davantage à ce qu'un membre de la chambre des mises en accusation qui a statué sur la détention préventive ou sur le règlement de la procédure, siège au sein de la chambre correctionnelle statuant sur la demande de mise en liberté provisoire[61].
La Cour avait déjà considéré, dans un arrêt du 21 novembre 2001, qu'une demande de mise en liberté provisoire adressée à la cour d'appel est irrecevable lorsque l'appel du jugement de condamnation est lui-même manifestement irrecevable[62]. L'arrêt attaqué de la cour d'appel d'Anvers, qui a été suivi de l'arrêt de la Cour du 5 octobre 2021, a appliqué la même solution, mais il est évident que les situations concernées n'étaient pas comparables. En effet, en 2001, l'appel avait manifestement été interjeté tardivement[63], alors que dans l'espèce commentée, le formulaire de griefs n'avait pas été déposé en temps utile[64]. S'il est plutôt aisé de constater l'existence du premier de ces vices de forme, sauf lorsque la force majeure est invoquée, cela semble plus compliqué pour le second, à tout le moins en l'espèce. Mais la Cour n'a pas manqué de se livrer à cet exercice. Le prévenu a-t-il lui-même interjeté appel en prison ? A-t-il été assisté par un avocat à un moment ou l'autre ? A-t-il été informé du fait que la recevabilité de l'appel est subordonnée au dépôt d'un formulaire de griefs en temps utile ? Le jugement entrepris a-t-il été rendu par défaut ou sur opposition ?
L'arrêt attaqué ne permettait pas de connaître les réponses à ces questions. Telle est la raison pour laquelle la Cour a ajouté à la règle existante que, pour pouvoir déclarer irrecevable la demande de mise en liberté provisoire, il est nécessaire que l'irrecevabilité manifeste du recours introduit dans le cadre la procédure au fond soit établie de manière non équivoque. En d'autres termes, l'appel de la condamnation ne peut être considéré comme manifestement irrecevable de manière un tant soit peu prématurée. Il apparait clairement que l'introduction de cette condition d'application a renforcé la règle juridique telle qu'elle existait.
En outre, l'arrêt rendu le 19 octobre 2021 dans l'affaire P.21.1235.N se singularise par la position adoptée par la Cour concernant la réintroduction d'une même requête de mise en liberté provisoire. En effet, le rejet d'une demande antérieure n'empêche en rien l'introduction d'une nouvelle requête par la suite. Initialement, la loi ne prévoyait pas de délai d'attente entre deux demandes successives. Afin d'éviter un carrousel de requêtes, et donc des abus de procédure dus à leur introduction répétée, la Cour a considéré qu'une nouvelle requête introduite pendant la procédure en appel de la décision rendue sur une demande antérieure, est irrecevable tant qu'il n'a pas été statué sur ledit appel[65]. à présent, l'article 27, § 4, de la loi du 20 juillet 1990 prévoit un délai d'attente d'un mois à compter du rejet de la requête précédente[66]. Toute requête en libération provisoire introduite avant l'expiration de ce délai d'un mois est irrecevable. Toutefois, ce délai ne s'applique pas lorsqu'une demande précédente a été déclarée irrecevable[67].
Dans son arrêt du 19 octobre 2021, la Cour a précisé que le délai d'attente d'un mois ne commence à courir qu'à partir du moment où une décision définitive a été rendue quant à la requête précédente et où les voies de recours possibles ont donc été épuisées. Par conséquent, il est notamment nécessaire que la Cour ait statué sur un éventuel pourvoi et, en cas de cassation, que le juge de renvoi ait lui aussi rendu sa décision. En l'espèce, une requête avait déjà été introduite alors que la demande précédente était toujours pendante devant la cour d'appel consécutivement à un arrêt de cassation avec renvoi. La requête introduite prématurément ne pouvait donc être recevable, de sorte qu'en l'espèce, le demandeur était sans intérêt à se pourvoir en cassation.
Enfin, il convient de souligner l'arrêt rendu par la Cour, le 28 septembre 2021, dans l'affaire P.21.1204.N. Dans cette affaire, la Cour a cassé l'arrêt par lequel il avait été décidé qu'une demande de mise en liberté provisoire selon la modalité de la surveillance électronique était irrecevable car une telle demande ne pouvait trouver de fondement dans l'article 27 de la loi du 20 juillet 1990. La Cour constitutionnelle ayant constaté l'inconstitutionnalité de cette situation, il appartenait à la Cour de cassation de combler cette lacune de la loi. Plus précisément, il résulte de l'arrêt de la Cour constitutionnelle du 21 décembre 2017[68] que, lorsqu'une demande de mise en liberté provisoire a été introduite sur la base de l'article 27, § 1er, 2°, loi du 20 juillet 1990, la cour d'appel peut également décider de convertir la détention exécutée en prison en une détention sous surveillance électronique[69].
À cet égard, l'arrêt du 28 septembre 2021 précise que, même lorsque la juridiction d'instruction décide, en application de l'article 26, § 3, alinéa 1er, de la loi du 20 juillet 1990, de maintenir en détention l'inculpé qu'elle renvoie devant la juridiction de jugement, celui-ci a la possibilité de demander par la suite, sur la base de l'article 27, § 1er, 1° et 2°, de la même loi, non seulement sa mise en liberté provisoire mais aussi la conversion de la détention préventive exécutée en prison en une détention préventive exécutée selon la modalité de la surveillance électronique. Dans le droit fil de la décision susmentionnée de la Cour constitutionnelle, la possibilité d'accorder la modalité de la surveillance électronique en cas de demande fondée sur l'article 27 de la loi du 20 juillet 1990 a ainsi été réaffirmée.
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210923.2N.1, ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20211012.2N.21, ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20210928.2N.22
[58] Cf. déjà Cass. 7 octobre 2014, P.14.1468.N, non publié. Dans cette affaire, il a par ailleurs été précisé que la requête ne peut être adressée à la chambre correctionnelle de la cour d'appel, mais qu'elle peut uniquement être déposée au greffe de la juridiction d'appel, conformément à l'article 27, § 3, de la loi du 20 juillet 1990. Selon les articles 90, alinéa 3, et 109, alinéa 3, dernière phrase, du Code judiciaire, il appartient ensuite au premier président de la cour d'appel de répartir les affaires conformément au règlement particulier de cette cour, de sorte qu'il ne revient pas au requérant en mise en liberté provisoire de déterminer quelle chambre statuera sur sa demande.
Arrêt du 20 juillet 2021 (P.21.0839.F)
Un prévenu a été condamné, par un arrêt rendu le 27 mars 2014 par la cour d'appel, à une peine principale de travail de six cents heures ou, en cas d'inexécution totale ou partielle de cette peine, à une peine subsidiaire d'emprisonnement de sept ans.
Cette peine principale n'a été exécutée qu'à concurrence d'un peu plus de la moitié, ce qui a conduit la commission de probation à prolonger le délai d'exécution de la peine de travail jusqu'au 30 septembre 2020.
Le prévenu fut finalement écroué le 6 juin 2020 pour purger sa peine subsidiaire, plus de cinq ans après l'arrêt de condamnation et plus de quatre ans après avoir accompli sa dernière prestation, le 25 mai 2016.
La question qui se posait était de savoir si les peines principale de travail et subsidiaire d'emprisonnement étaient prescrites au moment de l'arrestation du prévenu.
Le tribunal de l'application des peines, saisi de demandes de libération conditionnelle et de surveillance électronique, a répondu à cette question par la négative.
La Cour rejette le pourvoi introduit par le condamné.
En vertu de l'article 37quinquies, § 2, alinéa 2, du Code pénal, la peine de travail de nature correctionnelle infligée au prévenu par la cour d'appel doit être exécutée dans les douze mois qui suivent la date à laquelle la décision judiciaire est passée en force de chose jugée. Lorsque ce délai a été prolongé par la commission de probation, comme en l'espèce, la peine de travail correctionnelle se prescrit par cinq ans à partir de la date visée à l'article 92, alinéa 1er du Code pénal, soit celle de l'arrêt rendu en dernier ressort. Lorsque la peine d'emprisonnement est une peine de substitution à la peine de travail, elle se prescrit dans le même délai que cette dernière.
La règle selon laquelle la prescription de la peine est interrompue par un acte d'exécution matérielle, volontaire ou forcée, de cette peine, impliquant que le condamné commence à la subir effectivement, ne s'applique pas seulement à l'emprisonnement. L'exécution partielle d'une peine de travail, pour autant qu'elle soit effective, interrompt la prescription.
Dès lors que le second délai de prescription de cinq ans a commencé à courir le 25 mai 2016, date de la dernière prestation du prévenu dans le cadre de l'exécution de sa peine de travail, et que le prévenu a été écroué le 6 juin 2020, soit moins de cinq ans après cette dernière prestation, la peine subsidiaire d'emprisonnement n'est pas prescrite.
Arrêt du 4 octobre 2021 (S.21.0009.N) et les conclusions de l'avocat général H. Vanderlinden
Cette affaire concerne un employeur ayant son siège dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, qui souhaitait licencier une travailleuse-déléguée syndicale francophone domiciliée dans la région de langue néerlandaise. Toutes les relations sociales entre l'employeur et la travailleur se déroulaient en français.
Suivant l'article 4, § 1er, de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel, l'employeur qui envisage de licencier un délégué du personnel ou un candidat délégué du personnel pour motif grave doit en informer l'intéressé et l'organisation qui l'a présenté par lettre recommandée à la poste envoyée dans les trois jours ouvrables qui suivent le jour au cours duquel il a eu connaissance du fait qui justifierait le licenciement. Il doit également, dans le même délai, saisir, par requête, le président du tribunal du travail.
Conformément à cet article, l'employeur a envoyé à la travailleuse-déléguée syndicale et à l'organisation syndicale concernée une lettre recommandée à la poste dans le délai prescrit et a saisi par requête le président du tribunal du travail francophone de Bruxelles. Tant les courriers recommandés que la requête étaient rédigées en français. Vu l'impossibilité de concilier les parties, l'employeur a ensuite saisi le président du tribunal du travail francophone de Bruxelles, en application de l'article 6 de la loi du 19 mars 1991, au moyen d'une citation comme en référé rédigée en français et accompagnée d'une traduction en néerlandais.
Le président du tribunal ayant soulevé d'office une question concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, la travailleuse soutenait que la procédure était irrégulière. Les lettres recommandées envoyées par l'employeur, la requête qu'il avait déposée et la citation devaient être réputées nulles pour violation de l'article 4, § 1er, alinéa 2, de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, lequel requiert que la requête et la citation au moins soient rédigées non en français, mais en néerlandais, puisque la travailleuse était domiciliée dans la région de langue néerlandaise.
Le président du tribunal du travail francophone de Bruxelles a alors posé d'office une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, afin de savoir si l'article 4, § 1er, de la loi du 15 juin 1935 viole, notamment, le principe d'égalité, en obligeant les parties à introduire la procédure en néerlandais, même dans les circonstances données, parce que la requérante était domiciliée dans la région de langue néerlandaise, alors qu'elle est francophone et que toutes les relations sociales se déroulaient en français. La Cour constitutionnelle a répondu par la négative à cette question[70]. Dans le cadre de l'examen visant à déterminer si la règle prévue à l'article 4, § 1, de la loi du 15 juin 1935 ne porte pas atteinte de manière disproportionnée au droit d'accès au juge dont bénéficie le demandeur-employeur, ce qui n'est pas le cas selon elle, la Cour constitutionnelle a considéré de manière expresse que : « La partie qui n'a pas respecté la règle prévue à l'article 4, § 1er, alinéa, de la loi du 15 juin 1935 et dont la demande est déclarée nulle en vertu de l'article 40 de cette loi dispose d'un nouveau délai, lequel correspond au délai originaire dont elle disposait, afin d'introduire une nouvelle demande auprès du juge compétent dans le respect de la loi du 15 juin 1935. En effet, les actes déclarés nuls interrompent la prescription ainsi que les délais de procédure impartis à peine de déchéance[71] ». S'agissant de ce dernier aspect, la Cour constitutionnelle renvoyait à l'article 40, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1935, en vertu duquel les actes déclarés nuls pour contravention à cette loi interrompent la prescription ainsi que les délais de procédure impartis à peine de déchéance. Bien que la Cour constitutionnelle n'ait donc pas été interrogée, à proprement dit, sur l'article 40 de la loi du 15 juin 1935, mais seulement sur l'article 4, § 1er, de cette loi, elle a expressément admis, quoique plutôt « incidemment », que le demandeur-employeur, dont la première requête est déclarée nulle pour violation de la législation sur l'emploi des langues, peut invoquer la règle de l'article 40, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1935 afin d'introduire une nouvelle requête en bonne et due forme et en temps utile.
En se basant, entre autres, sur l'arrêt de la Cour constitutionnelle, le président du tribunal du travail francophone de Bruxelles a conclu à la nullité de la requête et de la citation subséquente pour violation de l'article 4, § 1er, alinéa 2, de la loi du 15 juin 1935.
L'employeur a ensuite (prétendument) introduit une nouvelle requête, rédigée en néerlandais, auprès du président du tribunal du travail néerlandophone de Bruxelles dans les trois jours ouvrables suivant la décision d'annulation de la requête en langue française et, après l'échec de la tentative de conciliation, a procédé à une nouvelle citation.
Le premier juge a déclaré fondée la demande de l'employeur visant à qualifier les faits reprochés à la travailleuse de manquement grave, ce qui lui permettait de la licencier pour motif grave.
En revanche, la cour du travail a déclaré la demande du demandeur non fondée. La cour du travail a considéré — nonobstant les considérations (incidentes) de la Cour constitutionnelle — que le délai de trois jours dans lequel le président du tribunal du travail doit être saisi par requête, tel que le prévoit l'article 4, § 1er, de la loi du 19 mars 1991, n'est pas un « délai de procédure » imparti à peine de déchéance au sens de l'article 40, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1935, de sorte que l'annulation par le président du tribunal du travail francophone de la requête originaire de l'employeur, rédigée en langue française, n'a pas interrompu le délai précité et que, par conséquent, l'employeur ne disposait pas d'un nouveau délai correspondant au délai originaire pour introduire une nouvelle requête dans le respect de la loi du 15 juin 1935, si bien que la nouvelle requête, établie en langue néerlandaise, était tardive.
Le pourvoi en cassation critiquait la décision de la cour du travail en faisant notamment valoir — par renvoi à l'arrêt précité de la Cour constitutionnelle — que la requête visée à l'article 4 de la loi du 19 mars 1991 est un « acte introductif d'instance » au sens de l'article 4 de la loi du 15 juin 1935 et qu'en cas de nullité de cette requête en raison d'une vice linguistique, la règle de l'article 40, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1935 doit être appliquée.
Dans son arrêt du 4 octobre 2021, la Cour décide, sur les conclusions conformes de l'avocat général, que, lorsqu'un employeur saisit, avant l'expiration du délai de trois jours ouvrables visé à l'article 4, § 1er, de la loi du 19 mars 1991, le président du tribunal du travail au moyen de la requête visée à l'article 4, § 2, et que cette requête est déclarée nulle sur la base de l'article 40, alinéa 1er, de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, cette requête nulle a interrompu le délai visé, de sorte que l'employeur concerné dispose d'un nouveau délai correspondant au délai originaire imparti pour saisir le président du tribunal du travail dans le respect de la loi du 15 juin 1935. La Cour casse l'arrêt attaqué. Ce faisant, elle se rallie à la jurisprudence précitée de la Cour constitutionnelle.
La Cour revient ainsi sur son arrêt du 21 novembre 1994, dans lequel elle considérait que le délai prévu à l'article 4, § 1er, de la loi du 19 mars 1991, « n'est ni un délai de prescription ni un délai de procédure comme prévu par la loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire, mais un délai préfix dont l'expiration entraîne forclusion du droit lui-même », ce qui fait obstacle à l'interruption de ce délai en cas d'annulation de la requête pour violation de la loi du 15 juin 1935[72]. Cet arrêt a été critiqué par une partie de la doctrine, qui défend la position selon laquelle l'exclusion des délais préfix de l'application de l'article 40, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1935 n'est pas raisonnablement justifiée, dans la mesure où la demande originaire a été introduite dans les délais prescrits.
Selon la classification traditionnelle des délais de justice, le délai prévu à l'article 4, § 1er, de la loi du 19 mars 1991 est qualifié de « délai préfix », à distinguer des délais de prescription et des délais de procédure[73] :
les délais préfix, qui concernent les délais dans lesquels une demande en justice doit être introduite[74], et les délais de prescription précèdent l'instance, tandis que les délais de procédure sont des délais qui valent pour l'accomplissement d'un acte de procédure en cours d'instance, l'exercice d'une voie de recours ou d'exécution.
- les délais de prescription et les délais préfix se distinguent entre eux par le fait que les premiers visent à promouvoir la paix sociale en reconnaissant, sur le plan juridique, des situations qui ont existé longtemps, tandis que les seconds sont fondés sur l'idée qu'il ne faut pas attendre trop longtemps pour la réalisation de certaines prétentions. Une première conséquence de cette différence est que la prescription (libératoire) n'éteint que le droit d'action du créancier, mais pas la créance elle-même, alors que l'expiration d'un délai préfix entraîne la perte tant du droit d'action que de la créance elle-même. Deuxièmement, eu égard à leur « rigidité », les délais préfix ne sont, en règle générale (et sauf cas de force majeure), pas considérés comme susceptibles d'être prolongés par interruption ou suspension[75] (et partant de cette idée, il est traditionnellement soutenu qu'un délai préfix n'est pas davantage « interrompu[76] » par une citation déclarée nulle en raison d'une violation de la loi du 15 juin 1935), alors que, dans le cas d'un délai de prescription, l'acte introductif a, en principe, un effet interruptif et fait courir un nouveau délai de prescription.
Toutefois, en ce qui concerne la règle de nullité prévue à l'article 40, § 3, de la loi du 15 juin 1935, une certaine doctrine fait valoir que, bien que la finalité des délais préfix diffère indéniablement de celle des délais de prescription et des délais de procédure, cette différence peut difficilement être jugée pertinente pour l'application de cet article dans le cas où la demande originaire a été introduite avant l'expiration du délai préfix[77]. En effet, bien qu'ils ne puissent, par leur nature même, être prolongés par suspension ou interruption, les délais préfix prescrits pour l'introduction d'une demande en justice cessent de courir au moment de la citation au fond, puisque le délai perd alors sa raison d'être[78]. Lorsque l'acte introductif d'instance a été accompli à temps, l'objectif du législateur a en effet été atteint, à savoir créer une sécurité juridique dans le délai prescrit. Le délai préfix cesse donc de courir. L'acte à accomplir dans le délai préfix vise précisément à introduire la demande en justice. Une fois l'instance introduite — en temps utile —, le droit procédural entre en jeu et les règles concernant les vices de procédure ou de forme (à régulariser) dont l'acte introductif d'instance est entaché doivent (pouvoir) produire leurs effets[79]. Ainsi, même lorsque l'affaire a été introduite devant un juge incompétent, le fait que l'article 2246 de l'ancien Code civil ne soit pas réputé, en principe, s'appliquer aux délais préfix[80], n'empêche pas qu'il y ait introduction d'instance et que la demande ait été faite[81]. En outre, la doctrine fait remarquer qu'il est incontestable que l'article 40, alinéa 3, de la loi du 15 juin 1935 s'applique aux délais de recours — qui sont également d'ordre public — dont l'expiration entraîne également la forclusion du droit lui-même, et qui ne sont pas davantage susceptibles de suspension ni d'interruption[82].
La Cour répond désormais à cette critique en jugeant que, lorsque la nullité de l'acte établi dans les délais prescrits résulte d'un conflit avec la législation relative à l'emploi des langues, le demandeur-employeur dispose d'un nouveau délai de trois jours à compter de l'annulation pour établir un nouvel acte conforme à la loi du 15 juin 1935.
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20211004.3N.5
[70] C. const., 4 octobre 2018, n° 116/2018.
Arrêt du 19 novembre 2021 (C.21.0095.F) et les conclusions de l'avocat général Th. Werquin
L'affaire concerne des déclarations d'apatridie. Elle s'inscrit dans un courant de dossiers similaires dont la Cour a eu à connaître simultanément, à la suite de pourvois émanant soit de personnes originaires de Palestine soit du procureur général près la cour d'appel de Liège, lequel faisait observer que des divergences dans la jurisprudence des juridictions de fond mènent à une forme de « shopping judiciaire ».
L'article 1er de la Convention relative au statut des apatrides, signée à New York le 28 septembre 1954, dispose que, aux fins de cette convention, le terme « apatride » désigne une personne qu'aucun état ne considère comme son ressortissant par application de sa législation.
En l'espèce, deux personnes d'origine palestinienne avaient, nonobstant l'avis écrit défavorable du parquet, obtenu du tribunal de première instance de Liège la reconnaissance de leur apatridie.
Saisie par le procureur général près la cour d'appel de Liège, cette dernière a réformé la décision entreprise.
Après avoir décidé que les conditions pour qu'existe un état sont une population permanente, un territoire déterminé, un gouvernement et la capacité d'entrer en relation avec les autres états, la cour d'appel a considéré que la Palestine réunit ces conditions, de sorte qu'elle constitue un état nonobstant l'absence de sa reconnaissance par la Belgique. Estimant ensuite, sur la base des documents personnels produits, que la Palestine reconnaît les demandeurs comme ses ressortissants, la cour d'appel a conclu qu'ils ne sont pas apatrides.
Sur le pourvoi de ces derniers, la Cour est invitée à se prononcer, d'une part, sur la recevabilité de l'appel du procureur général, d'autre part, sur les critères permettant au pouvoir judiciaire d'identifier un état comme tel.
En ce qui concerne le premier point, les demandeurs faisaient valoir à la fois que le procureur général n'était pas partie à la cause devant le tribunal de première instance et qu'il n'était pas acquis que l'ordre public fût mis en péril.
Dans le fil de sa jurisprudence relative à l'action du ministère public[83] et de commentaires autorisés[84], la Cour décide que l'article 138bis du Code judiciaire lui permet d'interjeter appel lorsque l'ordre public est mis en péril par un état de choses auquel il importe de remédier, même dans une cause à laquelle il n'était pas partie.
Elle rejette le second grief pour la raison que son examen amènerait la Cour à vérifier en fait, ce qui excède pourtant ses pouvoirs, si la reconnaissance de l'apatridie des demandeurs mettrait l'ordre public en péril par un état de choses auquel il importerait de remédier.
Pour ce qui concerne l'apatridie et par un arrêt du 18 février 2019[85], la Cour avait déjà décidé, conformément à une abondante doctrine[86], qu'en vertu du droit international, tel qu'il est notamment consacré à l'article 1er de la Convention sur les droits et les devoirs des états, signée à Montevideo le 26 décembre 1933, l'état doit réunir les conditions suivantes : une population, un territoire déterminé, un gouvernement exerçant une autorité réelle et effective, et la capacité d'entrer en relations avec les autres états.
Elle ajoutait que la formation d'un état ne dépend pas, en principe, de sa reconnaissance par d'autres états, acceptant ainsi que l'existence d'un état est une question juridique tandis que sa reconnaissance est un acte politique[87].
L'arrêt du 19 novembre 2021 confirme et précise cette jurisprudence, assise sur une règle coutumière internationale dont la portée dépasse[88] la région du monde dont sont issus les états signataires de la convention de Montevideo : dès lors que l'article 144 de la Constitution prévoit que les contestations qui ont pour objet des droits civils sont du ressort des tribunaux, que la convention de Montevideo octroie pareils droits aux apatrides et que l'existence d'un état ne dépend pas de sa reconnaissance par d'autres, il revient aux tribunaux, saisis d'une demande d'apatridie, d'examiner si une collectivité donnée constitue un état, sans qu'ils soient tenus par la décision du pouvoir exécutif de lui reconnaître ou non cette qualité.
Poursuivant cette analyse, la Cour écarte le moyen des demandeurs qui, s'appuyant sur des écrits doctrinaux[89], soutenaient que l'appréciation de la qualité d'état d'une collectivité devrait se faire selon l'ordre juridique de chaque état[90]. Elle considère au contraire que, la notion d'état procédant d'une coutume internationale, elle ne s'interprète pas différemment selon chaque ordre juridique national.
Il en résulte que la cour d'appel ne devait pas procéder à un autre examen que celui des critères exprimés à l'article 1er de la convention de Montevideo pour apprécier si la Palestine constitue un état au sens de la convention de New York — à propos de quoi la Cour n'est pas appelée à se prononcer et ne se prononce pas.
Enfin, la Cour, observant que les demandeurs font à l'arrêt attaqué le reproche d'avoir violé la convention de Montevideo elle-même, décide que, la Belgique n'étant pas partie à cette convention, cette dernière ne peut constituer une loi dont l'article 608 du Code judiciaire lui permette de sanctionner la violation.
Les autres griefs sont rejetés pour des questions techniques qui n'appellent pas de commentaire.
ECLI:BE:CASS:2021:ARR.20211119.1F.13
[83] Voir Cass., 29 mars 1982, Pas., 1982, I, 696 ; Cass., 25 mai 2009, S.09.0002.F, non publié ; Cass., 7 février 2013, C.12.0165.F-C.12.0229.F, non publié, et les conclusions de l'avocat général J. Genicot ; Cass., 6 février 2015, C.14.0181.N, non publié ; Cass., 28 janvier 2016, C.14.0237.N, non publié ; Cass., 12 janvier 2018, C.17.06245.F, non publié ; Cass., 22 mai 2019, P.19.0252.F, non publié, et les conclusions de l'avocat général M. Nolet de Brauwere.
On peut trouver en doctrine des indications que la circonstance qu'il s'agisse d'un acte de juridiction gracieuse est indifférente (voir les réflexions de H. BOURLARBAH, Requête unilatérale et inversion du contentieux, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 194 et s.)