AUTRES ARRÊTS IMPORTANTS

Procédure pénale

Généralités

Preuve en matière répressive – Charge de la preuve – Principe de la liberté d’appréciation du juge – Enregistrement de communications privées par un participant à l’insu de l’autre – Utilisation en justice – Droit à la protection de la vie privée

Arrêt du 29 janvier 2020 (P.19.1003.F) et les conclusions de M. l’avocat général D. Vandermeersch

En matière protectionnelle, lorsque la loi n’établit pas un mode spécial de preuve, le juge du fond apprécie en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fonde sa décision et que les parties ont pu librement contredire.

La protection de la vie privée prévue par l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales s’étend aux communications privées en telle sorte que l’usage d’une communication privée enregistrée à l’insu des autres intervenants à laquelle on prend part soi-même peut constituer une violation de la disposition précitée. Il appartient au juge d’apprécier si l’usage est autorisé et d’en décider sur la base des éléments de fait de la cause, compte tenu des attentes raisonnables, quant au respect de la vie privée, qu’ont pu avoir les intervenants, eu égard notamment au contenu et aux circonstances dans lesquelles la conversation a eu lieu. A cette fin, le juge peut prendre également en compte l’objectif poursuivi par l’utilisation de l’enregistrement ainsi que la qualité des participants et celle du destinataire de l’enregistrement (Conv. E.D.H., art. 8).

Droit à un procès équitable – Droit à l’assistance d’un avocat – Loi du 22 mai 2007 relative à la décision d’enquête européenne en matière pénale – Exécution en Belgique d’une décision d'enquête européenne émise à l’étranger – Perquisition et saisie – Procédure du référé administratif fondée sur l’article 61quater du Code d’instruction criminelle – Chambre des mises en accusation – Procédure contradictoire – Défense relative à l’article 6, § 3, Conv. E.D.H.

Arrêt du 12 mai 2020 (P.20.0342.N) et les conclusions de M. l’avocat général A. Winants

Le pourvoi immédiat contre un arrêt rendu par la chambre des mises en accusation dans le cadre de la procédure prévue à l’article 22 § 2 de la loi du 22 mai 2007 relative à la décision d’enquête européenne en matière pénale, combiné à l’article 61quater du Code d’instruction criminelle, est recevable.

Du caractère contradictoire de la procédure régie par les articles 22, § 2, de la loi du 22 mai 2007 relative à la décision d'enquête européenne en matière pénale et 61quater du Code d’instruction criminelle résulte l’obligation, pour la chambre des mises en accusation, de répondre dans les limites du pouvoir d’appréciation que lui confèrent ces dispositions, au moyen de défense soulevé devant elle et invoquant la contrariété à l'article 6, § 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de l’audition menée à l’occasion de la perquisition et de la saisie pratiquées sans l’assistance d’un conseil. L’arrêt qui se réfère à cette audition pour apprécier la condition de recevabilité découlant de l'article 61quater, § 1er, du Code d’instruction criminelle, selon lequel le requérant doit démontrer qu'il est lésé par la saisie, ne répond pas au moyen de défense visé.

Demande de récusation – Demande de report – Appréciation souveraine par le juge du fond – Représentation par un avocat – Désaveu d’actes de procédure

Arrêt du 17 juin 2020 (P.19.1223.N) et les conclusions de M. l’avocat général B. De Smet

Le fait qu’une demande de récusation vise à contester l’indépendance et l’impartialité du juge n’a pas pour conséquence que le juge soit tenu d’accorder un report à une partie en vue d’introduire une demande de récusation que ce juge ne considère pas comme étant manifestement recevable ou fondée (C. jud., art. 2 et 828).

La condition d’avoir trouvé l’inculpé en Belgique pour poursuivre tout Belge ou toute personne ayant sa résidence principale sur le territoire du Royaume du chef d’un fait commis à l’étranger doit être remplie au moment de la mise en mouvement de l’action publique. Il suffit que l’inculpé se trouve en Belgique depuis un certain temps et qu’il y ait été rencontré ou trouvé soit après la commission de l’infraction, soit avant ou au plus tard au moment de la mise en mouvement de l’action publique (L. du 17 avril 1878, art. 7, § 1er, et 12, al. 1er).

La renonciation au droit du prévenu de comparaître ou de se défendre, comme raison qui suffit à déclarer l’opposition non avenue, ne requiert pas la constatation que le prévenu a voulu se dérober aux autorités judicaires en prenant la fuite ou en dissimulant son véritable lieu de résidence (C. I.cr., art. 187, § 6, 1°).

La notion d’ « excuse légitime » s'étend aux cas non constitutifs de force majeure dans lesquels l’opposant a eu connaissance de la citation mais a invoqué un motif révélant que son absence n'était pas dictée par la volonté soit de renoncer à son droit de comparaître et de se défendre, soit de se soustraire à la justice. Cette renonciation ou cette volonté ne peut uniquement ressortir d’une décision explicite de l’opposant, mais peut également être déduite du fait que, sans justification raisonnable, la partie ne se présente pas ou ne reste pas présente à l’audience à laquelle elle a été dûment convoquée, alors qu’elle pouvait suffisamment évaluer les conséquences de cette décision (C. I.cr., art. 187, § 6, 1°).

Le juge peut déclarer non avenue l’opposition formée par une partie qui a quitté l’audience durant l’examen de sa cause et a donc refusé d’assurer sa défense en raison du rejet de sa demande de report. N’y fait pas obstacle le simple fait que cette demande visait à permettre à cette partie d’introduire une demande de récusation, même si une telle demande tend, en principe, à garantir le droit à un procès équitable et le droit à l’examen de la cause par un juge indépendant et impartial (C. I.cr., art. 187, § 6, 1°).

Il résulte de l’article 440, alinéa 2, du Code judiciaire qu’un avocat est censé intervenir pour les actes de procédure qu’il pose dans une cause en laquelle il représente son client devant le juge pénal, dans les limites du mandat que le client lui a donné. Cette présomption ne peut être renversée (C. jud., art. 440, al. 2).

Les articles 848 à 850 du Code judiciaire, qui régissent le désaveu d’actes de procédure, ne sont pas applicables aux causes examinées selon la procédure organisée par le Code d'instruction criminelle (C. jud., art. 848, 849 et 850).

Action publique et action civile

Transaction pénale élargie – Payement effectué sous la condition résolutoire de son remboursement en cas de refus d’homologation – Incidence quant à l’extinction de l’action publique

Arrêt du 9 septembre 2020 (P.20.0358.F)

En vertu de l’article 216bis, § 2, alinéa 11, du Code d’instruction criminelle, l’action publique s’éteint dans le chef de l’auteur qui aura accepté et observé, après homologation par le juge compétent, la transaction proposée par le ministère public. Il en résulte qu’un payement effectué sous la condition résolutoire de son remboursement en cas de refus d’homologation n’est pas une cause d’extinction de l’action publique.

Maladie mentale du prévenu – Recevabilité des poursuites - Conditions

Cass. 23 septembre 2020 (P.20.0402.F) et les conclusions de M. l’avocat général M. Nolet de Brauwere

Cet arrêt est commenté sous la rubrique « Arrêts-clés en matière de procédure pénale ».

Instruction en matière pénale

Droit au silence – Droit de refuser de collaborer à sa propre condamnation – Ordonnance du juge d’instruction visant la communication du code d’accès d’un portable

Arrêt du 4 février 2020 (P.19.1086.N) et les conclusions de M. l’avocat général B. De Smet

Cet arrêt est commenté sous la rubrique « Arrêts-clés en matière de procédure pénale ».

Privation de liberté

Mandat d’arrêt européen – Exécution demandée à la Belgique – Remise différée – Requête de mise en liberté – Contrôle de légalité

Arrêt du 10 juin 2020 (P.20.0543.F) et les conclusions de M. l’avocat général D. Vandermeersch

Cet arrêt est commenté sous la rubrique « Arrêts-clés en matière de procédure pénale ».

Mandat d’arrêt européen – Exécution – Motif de refus de l’article 4, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen – Conditions cumulatives – Disposition étendant la compétence extraterritoriale des juridictions belges – Application dans le temps – Motif de refus de l’article 4, 5°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen – Présomption de respect des droits fondamentaux par l’État membre d’émission – Contrôle par la Cour

Arrêt du 17 novembre 2020 (P.20.1127.N)

Les conditions prévues à l’article 4, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen, qui dispose que l'exécution d'un mandat d'arrêt européen est refusée lorsqu'il y a prescription de l'action publique et que les faits relèvent de la compétence des juridictions belges, sont cumulatives, de sorte qu’en cas d’incompétence territoriale ou extraterritoriale des juridictions belges, il n’y a plus lieu de contrôler la prescription de l’action publique. L’appréciation de la compétence précitée concerne la possibilité de poursuivre en Belgique les faits à la base du mandat d’arrêt européen et le fait que la loi du 19 décembre 2003 concerne une loi de procédure et non une loi pénale telle que visée à l’article 2 du Code pénal n’est pas déterminant dans cette appréciation.

L’article 7, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l’article 2, alinéa 1er, du Code pénal requièrent l’existence, au moment où le suspect a commis l’acte ayant donné lieu à des poursuites et à un jugement, d’une disposition légale qui sanctionnait cet acte. La disposition légale de l’article 6, 1°ter, du titre préliminaire du Code de procédure pénale n’a pas instauré de nouveaux faits punissables, mais, en ajoutant un nouveau fondement légal à des poursuites et donc à une répression en Belgique, elle a étendu la compétence extraterritoriale des juridictions belges et elle doit ainsi être considérée comme étant une règle de droit pénal matériel. Il résulte de ce qui précède que la loi pénale qui étend la répression en Belgique à des faits commis hors du territoire belge n’est pas applicable à des faits commis avant son entrée en vigueur. Un suspect ne peut invoquer l’application rétroactive d’une telle disposition comme étant une loi pénale plus favorable en vue d’éviter l’application d’un instrument d’entraide judiciaire internationale.

Il ressort du considérant (10) du préambule de la Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil de l’Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres que le mécanisme du mandat d'arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres et que cela implique une présomption de respect par l’État membre d’émission des droits fondamentaux visés à l’article 4, 5°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen. Le juge décide souverainement si les éléments circonstanciés invoqués indiquant un danger manifeste pour les droits fondamentaux de la personne concernée suffisent à renverser la présomption susmentionnée. La Cour se borne à vérifier si le juge ne tire pas de ses constatations des conséquences sans lien avec celles-ci ou qu'elles ne peuvent justifier.

Juridictions d’instruction

Demande d’homologation d’une transaction pénale élargie formée par le ministère public – Décision de la chambre des mises en accusation qu’elle n’a pas ce pouvoir – Recevabilité du pourvoi immédiat – Pouvoir de la chambre des mises en accusation de vérifier la proportionnalité de la transaction proposée

Arrêt du 9 septembre 2020 (P.20.0358.F)

En vertu de l’article 420, alinéa 2, 1°, du Code d’instruction criminelle, un pourvoi en cassation immédiat peut être formé contre les décisions rendues sur la compétence. Sont notamment rendus sur la compétence, les arrêts et jugements qui statuent sur une contestation soulevée par les parties, portant sur le pouvoir du juge de connaître d’une demande portée devant lui. Lorsqu’un débat a eu lieu devant la chambre des mises en accusation quant à son pouvoir de statuer sur la demande d’homologation d’une transaction élargie formulée par le ministère public, l’arrêt qui décide que les juges d’appel n’ont pas ce pouvoir est une décision rendue sur la compétence et est passible, dès lors, du pourvoi immédiat visé à l’article 420, alinéa 2, 1°, précité (C.I.cr., art. 216bis , §2, et 420, al. 2, 1° ; C. jud., art. 8).

Il résulte de l’article 216bis, § 2, alinéa 8, du Code d’instruction criminelle que, si l’appel dont elle est saisie ne lui défère pas cette appréciation, la chambre des mises en accusation est sans pouvoir pour vérifier la proportionnalité de la transaction pénale proposée. L’appel par lequel l’inculpé ne dénonce ni une nullité de l’instruction préparatoire, ni une irrégularité relative à l’ordonnance de renvoi, ni une cause d’irrecevabilité ou d’extinction de l’action publique, et qui est dès lors irrecevable, n’attribue pas, à la chambre des mises en accusation, le pouvoir d’apprécier les charges ni, partant, le contrôle de proportionnalité qui lui est associé. L’attribution de ces prérogatives ne saurait résulter de la seule circonstance qu’une partie, fût-elle le ministère public, en ait requis l’exercice (C.I.cr., art. 135, § 2, et 216bis, § 2).

Juridictions de jugement

Compétence internationale de la juridiction saisie – Champ d’application du Règlement Bruxelles IIbis – Mineur en danger – Mesure d’hébergement en dehors du milieu familial – Procédures ayant le même objet – Primauté des mesures civiles

Arrêt du 29 janvier 2020 (P.19.1003.F) et les conclusions de M. l’avocat général D. Vandermeersch

Selon la Cour de justice de l’Union européenne, l’article 1er, paragraphe 1er, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, dit règlement Bruxelles IIbis, doit être interprété en ce sens que relève de la notion de « matières civiles », au sens de cette disposition, une décision qui ordonne la prise en charge immédiate et le placement d’un enfant en dehors de son foyer d’origine, lorsque cette décision a été adoptée dans le cadre des règles relatives à la protection de l’enfance. Si ce règlement ne fait donc pas de distinction entre ces deux matières lorsqu’il s’agit de définir son champ d’application et, partant, de déterminer la compétence internationale de la juridiction saisie, il ne s’en déduit toutefois pas que, selon le droit de l’Union européenne, deux procédures menées parallèlement dans ces matières aient nécessairement le même objet et la même cause (Règl. (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, art. 1er et 19).

Lorsque la première décision relative à l’hébergement d’un enfant est prononcée dans une procédure opposant ses parents et réglementant entre eux l’exercice de l’autorité parentale et l’hébergement de l’enfant à la suite du divorce et que la seconde décision a pour but de porter remède à la situation de danger dans laquelle se trouve l’enfant, ces deux décisions n’ont pas le même objet (Règl. (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003, art. 19).

Les mesures prises dans le cadre de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse priment sur les dispositions civiles lorsque les unes sont incompatibles avec les autres.

Droits de la défense – Droit à un procès équitable – Droit de prendre part en personne au procès pénal – Droit à la concertation avec un avocat – Mandat d’arrêt européen – Liberté sous conditions du prévenu à l’étranger – Pas de consentement à la remise à la Belgique – Demande du prévenu de prendre part en personne au procès – Impossibilité de comparaître – Rejet de la demande

Arrêt du 7 avril 2020 (P.20.0231.N) et les conclusions de M. l’avocat général B. de Smet

Cet arrêt est commenté sous la rubrique « Arrêts-clés en matière de procédure pénale ».

Compétence – Condamnation avec sursis et suspension du prononcé de la condamnation – Surveillance du sursis probatoire – Lieu de résidence du condamné à l’étranger – Révocation du sursis probatoire

Cass. 19 mai 2020 (P.20.0116.N)

Il résulte de la combinaison des articles 10, alinéa 9, et 14, § 2, de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation et de l’économie générale de la surveillance probatoire et du régime de la révocation que le législateur n’a en aucun cas pu souhaiter que le simple fait qu’un condamné établisse son lieu de résidence en dehors du Royaume durant le délai d’épreuve entraîne l’incompétence de l’ensemble des juridictions belges pour connaître d’une demande de révocation. Par contre, il y a lieu d’admettre en pareille occurrence que le tribunal de première instance du lieu de résidence du condamné au moment où le jugement ou l’arrêt ayant accordé le sursis probatoire passe en force de chose jugée, est compétent pour connaître de la demande de révocation (L. du 29 juin 1964, art. 10, al. 9, et 14, § 2, al.2).

Compétence – Fait commis à l’étranger – Prévenu intercepté en Belgique – Moment de la mise en mouvement de l’action publique

Arrêt du 17 juin 2020 (P.19.1223.N) et les conclusions de M. l’avocat général B. De Smet

Cet arrêt est commenté sous la rubrique « Procédure pénale – Généralités ».

Recours

Pourvoi en cassation – Recevabilité du pourvoi immédiat contre le dessaisissement des juridictions de la jeunesse – Délais dans lesquels il faut se pourvoir ou signifier le pourvoi – Décision non définitive mais contre laquelle on peut se pourvoir immédiatement

Arrêt du 12 février 2020 (P.19.1223.N) et les conclusions de M. l’avocat général M. Nolet de Brauwere.

Par l'arrêt numéro 161/2019 du 24 octobre 2019, la Cour constitutionnelle a dit pour droit : « L’article 420 du Code d’instruction criminelle, tel qu’il a été remplacé par l’article 20 de la loi du 14 février 2014 relative à la procédure devant la Cour de cassation en matière pénale, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il ne prévoit pas la possibilité d’introduire un pourvoi en cassation immédiat contre une décision de dessaisissement ». Par le même arrêt, elle a considéré que le constat de cette lacune est exprimé en des termes suffisamment précis et complets pour permettre, dans l’attente d’une intervention du législateur, l’application de la disposition en cause dans le respect du principe d’égalité et de non-discrimination. Il s’ensuit que l’art. 420 C.I.cr. ne constitue plus un empêchement au pourvoi immédiat contre une décision de dessaisissement sur pied de l’article 57bis de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse ou de l’article 125 du décret (de la Communauté française) du 18 janvier 2018 portant le code de la prévention, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse (solution implicite) (C.I.cr., art. 420 ; L. du 8 avril 1965, art. 57bis ; Décr. Comm. fr. du 18 janvier 2018, art. 125).

Conformément à l’article 2 du Code pénal, nulle infraction ne peut être punie de peines qui n'étaient pas portées par la loi avant que l'infraction fût commise et, si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée. Ssous l’empire de l’article 57bis, § 1er alinéa 1er de la loi relative à la protection de la jeunesse, le tribunal de la jeunesse pouvait se dessaisir si, outre l’inadéquation des mesures de garde, de préservation ou d’éducation, le mineur était soupçonné d’avoir commis un délit ou un crime correctionnalisable, et, à moins qu’il s’agisse d’une infraction visée au second tiret de cette disposition, alors qu’il avait déjà fait l'objet d'une ou de plusieurs mesures visées à l'article 37, § 2, § 2bis ou § 2ter de ladite loi ou d'une offre restauratrice telle que visée à ses articles 37bis à 37quinquies. Désormais, conformément à l’article 125, § 1er alinéa 2, 2°, du décret du 18 janvier 2018, le dessaisissement n’est plus permis que dans l’hypothèse où l’infraction imputée au jeune est un fait consistant en une atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui, qui, s'il avait été commis par une personne majeure, aurait été de nature à entraîner, au sens du Code pénal ou des lois particulières, une peine d'emprisonnement correctionnel principal de cinq ans ou une peine plus lourde. Ainsi, subordonnant le dessaisissement des juridictions de la jeunesse à des conditions plus strictes que sous l’empire de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, l’article 125 du décret du 18 janvier 2018 constitue une disposition moins sévère (C. pén, art. 2 ; L. du 8 avril 1965, art. 57bis ; Décr. Comm. fr. du 18 janvier 2018, art. 125).

Ni les articles 40 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ni aucune autre disposition n’interdisent aux États parties aux traités précités de prévoir qu’à partir d’un âge minimum, au-dessous duquel les mineurs ne peuvent relever des tribunaux de droit commun, les juridictions de la jeunesse, dans les conditions établies par la loi et, en particulier, lorsqu’elles estiment inadéquate une mesure de protection, peuvent se dessaisir et renvoyer la cause au ministère public aux fins de poursuite devant les juridictions répressives compétentes (Conv. Droits de l'Enfant du 20 novembre 1989, art. 37 et 40 ; P.I.D.C.P, art. 14 ; L. du 8 avril 1965, art. 57bis ; Décr. Comm. fr. du 18 janvier 2018, art. 125).

Pourvoi en cassation – Délais – Durée, point de départ et fin – Dépôt des exploits de signification – Dépassement du délai – Faute ou négligence de l'huissier de justice – Force majeure – Droit à un procès équitable – Accès au juge

Arrêt du 12 mai 2020 (P.20.0104.N)

Les fautes ou négligences du mandataire engagent le mandant lorsqu'elles sont commises dans les limites du mandat et ne peuvent constituer en elles-mêmes, pour le mandant, une cause étrangère, un cas fortuit ou une situation de force majeure. Le droit d'accès au juge, tel que garanti par l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le monopole conféré aux huissiers de justice par l'article 519, § 1er, du Code judiciaire ainsi que les restrictions qui, en ce qui concerne le choix de l'huissier de justice instrumentant, découlent des règles de compétence territoriale prévues à l'article 516 du même code, impliquent que la faute ou la négligence de cet officier ministériel peut être considérée comme un cas de force majeure, permettant ainsi de prolonger le délai légal de pourvoi en cassation de la durée pendant laquelle il était absolument impossible au demandeur d'introduire ce pourvoi, mais tel n'est pas le cas lorsque l'huissier de justice n'a pas commis la faute qui lui est imputable dans le cadre du monopole conféré à cet officier ministériel par l'article 519, § 1er, du Code judiciaire, mais en exécution d'un acte qu'il peut accomplir à la demande d'une partie conformément à l'article 519, § 2 du Code judiciaire.

Pourvoi en cassation – Recevabilité – Procédure du référé administratif fondée sur l’article 22, §2 de la loi relative au mandat d’arrêt européen juncto l’article 61quater du Code d’instruction criminelle – Arrêt de la chambre des mises en accusation

Arrêt du 12 mai 2020 (P.20.0342.N) et les conclusions de M. l’avocat général A. Winants

Cet arrêt est commenté sous la rubrique « Procédure pénale – Généralités »

Étrangers – Article 71 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers – Recours devant le pouvoir judiciaire – Juridictions d’instruction – Compétence territoriale de la chambre du conseil – Lieu de résidence – Lieu où l’étranger a été trouvé – Décisions contradictoires des juridictions d’instruction – Conflit de juridiction – Règlement de juges

Arrêt du 12 mai 2020 (P.20.0471.N)

Selon l'article 71, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, l'étranger qui fait l'objet d'une mesure privative de liberté prise en application de l’article 7 de la même loi peut introduire un recours contre cette mesure en déposant une requête auprès de la chambre du conseil du tribunal correctionnel du lieu de sa résidence dans le Royaume ou du lieu où il a été trouvé. Le lieu de résidence, au sens de l'article 71, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980, s’entend du lieu de l’habitation effective de l’étranger au moment où est prise la mesure administrative de privation de liberté et non du lieu où est situé l'établissement où l’étranger est maintenu à la suite de cette décision, alors que le lieu où l’étranger a été trouvé, au sens de l'article 71, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980 doit être entendu comme le lieu où l’étranger faisant l’objet d’une mesure administrative de privation de liberté a été intercepté sans qu’il s’agisse du lieu où l’étranger s'est déplacé après avoir été convoqué par l’Office des étrangers, ni du lieu où il se trouve au moment de la décision administrative de privation de liberté, ni du lieu de l'établissement où l’étranger est maintenu en exécution de la décision administrative de privation de liberté. Si, toutefois, au moment de la décision administrative de privation de liberté, un étranger est incarcéré dans un établissement pénitentiaire en vertu d'une décision de mise en détention préventive ou en exécution d'une peine, cet établissement constitue le lieu où il a été trouvé et, le cas échéant, son lieu de résidence.

De la contradiction en termes de compétence territoriale entre une ordonnance d’une chambre du conseil contre laquelle aucun recours n’a été introduit et un arrêt d’une chambre des mises en accusation qui devient définitif à la suite du rejet du pourvoi en cassation, résulte l’existence d’un conflit de juridiction qui entrave le cours de la justice. La Cour qui rejette un pourvoi en cassation a pu prendre en considération l’état de la procédure et est compétente pour régler de juges.

Appel formé par le ministère public près la juridiction d’appel – Forme – Délai – Nullité de la signification au prévenu – Article 861 du Code judiciaire – Application en matière répressive – Articles 40 et 47bis du Code judiciaire – Droits de la défense – Appréciation – Opposition – Frais causés par l’opposition – Article 187, § 10, du Code d'instruction criminelle

Arrêt du 2 juin 2020 (P.19.0985.N)

L’article 205 du Code d'instruction criminelle prévoit que le ministère public près la juridiction d’appel devra, à peine de déchéance, notifier son recours au prévenu dans les quarante jours à compter du prononcé du jugement. Cette disposition comporte uniquement un délai prescrit pour interjeter appel, à peine d’irrecevabilité de l’appel, mais pas de prescriptions pour la signification de l’acte d’appel.

En matière répressive, la signification de la citation est régie par les dispositions du Code judiciaire, dans la mesure où son application est compatible avec les dispositions légales et avec les principes généraux de l’action publique. L’application de l’article 861 du Code judiciaire au mode de signification d’une citation en matière répressive est incompatible avec les principes généraux de l’action publique.

La signification d’une citation en matière répressive contraire aux dispositions de l’article 40 du Code judiciaire entraîne la nullité de la signification si cette irrégularité viole les droits de défense du prévenu. Il y a lieu d’apprécier l’éventualité d’une violation des droits de la défense sur la base de la procédure pénale dans son ensemble et il peut être remédié à la violation éventuelle de ces droit au cours de la procédure par défaut par l’examen de la cause sur opposition, le prévenu étant alors en mesure de faire valoir tous les griefs en matière de procédure.

La récidive prévue à l’article 38, § 6, alinéa 1er, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière porte sur une circonstance personnelle qui est propre à l’auteur de l’infraction en matière de roulage et qui a une incidence sur la peine. Par conséquent, cette récidive est comprise dans le grief tel que visé à l’article 204 du Code d'instruction criminelle, qui concerne le taux de la peine, même si l’admettre a pour conséquence qu’une mesure de sûreté soit ordonnée.

Il résulte de l’article 187, § 10, du Code d'instruction criminelle que le juge ne peut laisser à charge de l’opposant les frais causés par l’opposition, y compris le coût de l’expédition et de la signification de la décision par défaut, à moins qu’il constate que le défaut lui est imputable.

Opposition – Opposition non avenue – Connaissance de la citation – Excuse légitime – Droit de comparaître – Droit de se défendre – Désistement – Appréciation – Soustraction au cours de la justice – Défaut à l’audience – Citation en bonne et due forme – Demande de récusation – Demande de report – Départ de l’audience – Conséquences

Arrêt du 17 juin 2020 (P.19.1223.N) et les conclusions de M. l’avocat général B. De Smet

Cet arrêt est commenté sous la rubrique « Procédure pénale – Généralités »

Révision – Opposition formée dans le délai extraordinaire - Condamnation en état de récidive – État de récidive déclaré non avenu ultérieurement à la condamnation sur opposition formée dans le délai extraordinaire – Conditions d’une demande en révision

Arrêt du 13 octobre 2020 (P.20.0744.N) et les conclusions de M. l’avocat général A. Winants

La condamnation constatant l’état de récidive sur la base d'une décision judiciaire dont il n'est apparu qu'après cette condamnation qu’elle doit être déclarée non avenue, peut donner lieu à une demande en révision. Celle-ci requiert que le condamné n’ait pu démontrer, au moment de l’instance, l’existence de l’élément ayant rendu caduque la décision antérieure et qu’il en résulte une présomption sérieuse que, si cet élément avait été connu, l’examen de la cause aurait entrainé l’application d’une loi pénale moins sévère.

Pourvoi en cassation – Demande d’homologation d’une transaction pénale élargie formée par le ministère public – Décision de la chambre des mises en accusation qu’elle n’a pas ce pouvoir – Recevabilité d’un pourvoi immédiat contre cette décision

Arrêt du 9 septembre 2020 (P.20.0358.F)

En vertu de l’article 420, alinéa 2, 1°, du Code d’instruction criminelle, un pourvoi en cassation immédiat peut être formé contre les décisions rendues sur la compétence. Sont notamment rendus sur la compétence, les arrêts et jugements qui statuent sur une contestation soulevée par les parties, portant sur le pouvoir du juge de connaître d’une demande portée devant lui. Lorsqu’un débat a eu lieu devant la chambre des mises en accusation quant à son pouvoir de statuer sur la demande d’homologation d’une transaction élargie formulée par le ministère public, l’arrêt qui décide que les juges d’appel n’ont pas ce pouvoir est une décision rendue sur la compétence et est passible, dès lors, du pourvoi immédiat visé à l’article 420, alinéa 2, 1°, précité (C.I.cr., art. 216bis , §2, et 420, al. 2, 1° ; C. jud., art. 8).

Appel principal – Forme – Délai – Appel introduit en prison – Pas d’assistance par un conseil avant ou au moment d’interjeter appel – Pas d’informations fournies quant au dépôt d’un formulaire de griefs en temps utile – Déchéance du droit de faire appel – Article 6 CEDH

Arrêt du 20 octobre 2020 (P.19.1255.N)

Il découle du droit d’accès au juge consacré par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris du droit à un recours effectif et accessible qui en découle, que la juridiction d’appel ne peut appliquer la sanction de la déchéance de l’appel au motif de l’absence de dépôt d’un formulaire de griefs en temps utile que si elle peut raisonnablement supposer que le prévenu détenu, qui a interjeté appel en personne par déclaration au directeur de l’établissement pénitentiaire ou à son délégué, était ou a pu être informé de l’obligation d’introduire ce formulaire de griefs (CEDH, art. 6, § 1er ; C.I.cr., art. 203 et 204 ; L. du 25 juillet 1893 relative aux déclarations d'appel des personnes détenues ou internées, art. 1er).

S’il n'apparaît ni que le prévenu a été informé par le directeur de l’établissement pénitentiaire ou son délégué, ou de toute autre manière, de l’obligation d'introduire un formulaire de griefs en temps utile, ni que le prévenu était assisté par un conseil au cours de la procédure ayant abouti à la décision par défaut contre laquelle il souhaite interjeter appel ou au moment de l’introduction de ce recours, et s’il ne peut donc être raisonnablement supposé que ce conseil l’a informé de cette obligation, la juridiction d’appel ne peut déclarer ce prévenu déchu de son appel au motif de l’absence de dépôt d’un formulaire de griefs en temps utile.

Autres arrêts en matière de procédure pénale

Protection de la jeunesse – Mineur en danger – Mesure d’hébergement en dehors du milieu familial – Compétence internationale de la juridiction saisie – Primauté des mesures civiles

Arrêt du 29 janvier 2020 (P.19.1003.F) et les conclusions de M. l’avocat général D. Vandermeersch

Cet arrêt est commenté sous la rubrique « Procédure pénale - Juridictions de jugement ».

Protection de la jeunesse – Dessaisissement des juridictions de la jeunesse – Communauté française – Article 57bis de la loi du 8 avril 1965 et article 125, § 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 18 janvier 2018 – Application dans le temps - Disposition moins sévère – Conséquence – Compatibilité avec les articles 40 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Arrêt du 12 février 2020 (P.19.0692.F) et les conclusions de M. l’avocat général M. Nolet de Brauwere

Cet arrêt est commenté sous la rubrique« Procédure pénale – Recours ».